De la structure corporelle aux corps en résonance

Évolution de la relation thérapeutique en Analyse bioénergétique

Fina Pla

Traduit par Daisy Rassart et Réjean Simard

Analyse Bioénergétique • The Clinical Journal of the IIBA, 2017 (27), 73-113

https://doi.org/10.30820/0743-4804-2017-27-FR-73 CC BY-NC-ND 4.0 www.bioenergetic-analysis.com

Résumé

Cet article permet au lecteur un voyage en deux temps. Dans la première partie, sont présentées les contributions d’auteurs bio énergéticiens sur les thèmes du transfert et du contre-transfert, donnant une vue d’ensemble de la richesse et de la créativité de chaque auteur. La deuxième partie apporte une réflexion au sujet de l’influence de la théorie de l’attachement, de la psychanalyse relationnelle et des neurosciences dans la relation thérapeutique, en lien avec l’Analyse bioénergétique. L'impact de ces nouveaux concepts sont présentés et les anciens concepts sont revisités. Il en résulte une nouvelle vision enrichie de la relation thérapeutique et de ses processus transférentiels et contre-transférentiels. Le processus thérapeutique devient alors interrelationnel, somatique et sensoriel, à l’intérieur de la dyade psychothérapeutique. Deux vignettes cliniques concises sont présentées afin d'illustrer d'illustrer ces concepts.

Mots-clés : relation thérapeutique ; processus de transfert et de contre-transfert ; harmonisation somatique ; empathie ; intersubjectivité ; matrice relationnelle ; autorégulation.

1 Introduction

« Dans le cadre d’une psychothérapie, j’avais besoin de quelqu’un qui travaillait avec le corps et qui le reconnaissait comme le noyau central de l’expression énergétique du Self et de sa véritable source. Mais plus que cela encore, j’avais besoin d’une personne qui voulait se connecter à moi, pas juste à un corps, à un problème, à une personnalité, à un système énergétique, mais à moi, avec toutes mes faiblesses et tous mes besoins » (Hilton 36, 2000).

Objectif

L’objectif visé en rédigeant cet article est d’offrir un temps d’arrêt pour regarder de plus près les contributions reliées au thème de la relation thérapeutique. Cela se fera, en s’appuyant sur le travail de treize auteurs bio énergéticiens différents, partant des articles les plus anciens aux plus récents et ce à travers d’une de ses manifestations les plus significatives, à savoir les dynamiques du transfert et du contre-transfert. J’ai choisi les articles auxquels j’ai pu avoir accès, et je m’excuse si je suis passée à côté de certains autres travaux. J’ai essayé de saisir les idées principales de chaque auteur, en tenant compte de l’espace dont je disposais. Vous pourrez remarquer la richesse des contributions, partant d’opinions plus psychanalytiques à des opinions plus somatiques, et d’autres, plus personnelles. La deuxième partie de l’article revisite les contributions d’auteurs bio énergéticiens sur les thèmes de la relation thérapeutique et du processus de transfert, tout en y incorporant les concepts d’un nouveau paradigme, permettant de réviser notre compréhension des concepts traditionnels en Analyse bioénergétique. Je présente des concepts au travers le prisme de nos auteurs bio énergéticiens afin de démontrer comment la théorie et la pratique en Analyse bioénergétique ont été influencées par ces concepts.

Évolution

L’Analyse bioénergétique a évolué depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui sans perdre ses croyances fondamentales et ses racines. Avec les années, les concepts de relation thérapeutique, de transfert et de contre-transfert ont évolué d’une vision psychanalytique freudienne classique à une vision davantage concentrée sur le corps, comme celles de Wilhelm Reich et Alexander Lowen, à une autre, plus récemment, enrichie par les contributions de la théorie de l’attachement, de la psychanalyse relationnelle et des neurosciences. Ces recherches récentes ont déplacé l’emphase vers l’intersubjectivité et l’harmonisation somatique mutuelle du client et de son psychothérapeute. Certains courageux analystes bio énergéticiens se sont fait pionniers en incorporant ces nouveaux concepts sans que nous perdions nos racines. J’aimerais apporter ma contribution à ce processus de l’évolution en Analyse bioénergétique, en expliquant comment la vision que nous avons de la relation thérapeutique et de ses processus transférentiels et contre-transférentiels ont évolué à partir du concept de départ de « structures corporelles » à celui de « corps en résonance », une expression que j’ai empruntée à l’article de Michel Brien, dans lequel il fait la synthèse de cette longue et riche évolution.

Avant l’arrivée de l’Analyse bioénergétique

En psychanalyse classique, la relation est fondée sur le transfert du patient envers le thérapeute. Grâce au transfert, le patient se mobilise, ressent des sentiments, développe des fantasmes et des défenses qui sont en relation avec ses figures primaires, particulièrement ses parents. Le thérapeute, de sa place anonyme et neutre, cherche à amplifier les réactions transférentielles afin d’accéder au matériel inconscient. Dans la théorie de la relation d’objet (Heinz Kohut), les relations interpersonnelles sont considérées comme l’aspect le plus fondamental de la vie. La relation qui se construit avec les figures primaires, dans l’enfance, est intériorisée et structure le Soi. Le patient intériorise le thérapeute comme un objet positif et le thérapeute devient un modèle « plus sain » dans le monde intérieur du patient.

La théorie relationnelle, intersubjective, (Aron, Mitchell) aspire à intégrer les précédentes théories. En comparaison à la psychanalyse classique où le patient est perçu comme un être dysfonctionnel qui transfère sur le thérapeute, cette théorie est fondée sur le système dyadique. Une dyade est constituée de deux personnes qui participent ensemble, et les changements se produisent lorsque les deux membres résolvent les conflits à l’intérieur de leur interrelation thérapeutique. La position analytique classique de neutralité et d’abstinence se transforme en une position de mutualité, spontanéité et authenticité, où le patient apprend à construire des relations plus saines dans le cadre de la relation avec son ou sa thérapeute.

Le concept de transfert développé au départ, tel que pensé par Sigmund Freud, est le fait que ce qui se passe dans le transfert, est la relation avec les figures parentales du patient qui est revécue. La théorie de Freud, en lien avec les notions de pulsions et d’inconscient, était prédominante en psychanalyse, et avait eu un grand impact sur les autres approches thérapeutiques. Reich développa les idées de Freud et introduisit la notion de l’analyse du caractère (de la personnalité) et du travail avec le corps. Lowen a suivi Reich et continua essentiellement avec la même idée fondamentale que le comportement névrosé du patient se reflétait au travers de son armure corporelle et dans la relation avec le thérapeute. Le transfert a longtemps été perçu en psychanalyse comme une projection parentale du patient sur le thérapeute. Pour Lowen, travailler avec le transfert signifie travailler principalement avec les émotions réprimées et leur contrepartie se retrouvant dans les blocages corporels. Le transfert était alors considéré comme le principal obstacle au processus thérapeutique.

2 Contributions d’analystes bioénergéticiens sur les concepts de transfert et de contre-transfert, classées par ordre chronologique

En tenant compte des recherches portant sur les processus traumatiques et les troubles précoces, l’Analyse bioénergétique a dû évoluer afin de trouver des manières plus efficaces de travailler avec le type de patients traumatisés depuis l’enfance. Ce sont des types de patients que nous rencontrons fréquemment aujourd’hui en psychothérapie, dans nos cabinets de consultation. En parcourant les idées des différents auteurs, nous pourrons apprécier la richesse et la diversité de leurs contributions. Nous pourrons ainsi voir la manière dont les concepts reliés aux processus transférentiels, dans le cadre de la relation thérapeutique, ont évolué depuis leur origine, en passant par la notion de structure corporelle, jusqu’à aujourd’hui, à celui de corps en résonance. Je vais maintenant présenter leurs contributions, dont certaines sont davantage concentrées sur les concepts analytiques théoriques, d’autres sur les processus somatopsychiques, et ceux qui se sont plus centré sur le niveau expérientiel. J’ai suivi un ordre chronologique afin de pouvoir observer la manière dont les différents auteurs se sont penchés sur ce thème et en voir son évolution.

Stanley Keleman : créer des liens affectifs (1986)

Stanley Keleman (il a fait partie de l’IIAB et en était un thérapeute accrédité, CBT) écrivit Bonding, ouvrage dans lequel il aborde en détails les notions de transfert et le contre-transfert qu’il qualifie des phénomènes somatiques, il développe les concepts de bonding (création de liens affectifs), de résonance somatique et de pulsation. L’auteur considère que le transfert inclut des schémas de réponses musculaires par lesquels le client crée des liens avec le thérapeute. Le contre-transfert, quant à lui, comprend les réponses somatiques du thérapeute et les façons dont il accepte ou rejette les états émotionnels et somatiques du client. Le transfert et le contre-transfert sont perçus comme les deux pôles d’un continuum relationnel, et le terme de « liens affectifs » est utilisé pour faire référence à ce phénomène. Il décrit différents niveaux issus du transfert somatique, qui suivent les schémas de développement de la vie, du fœtus à la vie adulte, du contact au niveau ombilical, buccal, génital, à celui qui est le contact « corps à corps ». Le niveau de développement auquel le client fonctionne détermine la nature du processus transférentiel.

Les processus transférentiels définissent une relation thérapeutique comme étant une tentative d’établissement d’un lien de communication somatique et émotionnel. Dans cette relation, le thérapeute a besoin de savoir comment le client crée des liens d’un point de vue somatique. La pulsation est la base du lien affectif et requiert une circulation continue. L’objectif de Keleman est de rétablir le continuum de la pulsation. Il écrit : « Il s’agit d’un processus de pulsations dans lequel les vagues d’expansion ou de contraction émotionnelle et somatique, étant projetées et d’introjectées, organisent des champs de l’activité cellulaire en des schémas comportementaux complexes. » (102)

La création de liens thérapeutiques est un processus perpétuellement en mouvement, qui implique une organisation complexe et des structures en relation, avec de nombreux niveaux d’expérience et de vécu. Dans ce processus, le transfert et le contre-transfert sont organisés par les attitudes émotionnelles somatiques du client et les réponses fournies par le thérapeute. Lorsque le client projette vers le thérapeute et provoque des réponses, un processus de résonance se produit. La tâche thérapeutique sera d’aider un client à former un contenant, à déprogrammer des réponses du passé et à créer un mouvement de pulsation. La réponse émotionnelle du thérapeute est essentielle, car pour peu qu’il n’ait pas conscience de ses réponses neuronales, émotionnelles et musculaires, il aura tendance à les projeter sur le client. Le transfert implique des distorsions de ce continuum de pulsation, et la solution pour les résoudre est de réorganiser la structure initiale. Un client a structuré ses expériences passées et a besoin d’aide pour l’aider à les « déstructurer » afin de former des nouveaux schémas musculaires et émotionnels. Keleman l’explique en ces termes : « L’objectif de la thérapie somatique n’est autre que la restructuration des liens affectifs devenus obsolètes, désuets » (104).

Virginia Wink Hilton : Travailler avec le transfert sexuel (1987)

Virginia Wink Hilton a eu le courage de se pencher sur le sujet ardu des problèmes reliés au transfert sexuel. À vrai dire, il s’agit d’un des seuls articles d’approche bioénergétique que j’ai pu trouver sur ce type particulier de transfert. Elle met l’accent sur l’importance pour le thérapeute d’être conscient de ses propres enjeux sexuels et de pouvoir en tenir compte dans le travail de psychothérapie comme en supervision. Dans ce passage, nous pouvons voir la manière dont la relation thérapeutique était considérée dans les années 1980 : « La nature de la relation patient-thérapeute est une dyade intense et intime, dans laquelle le thérapeute est perçu comme étant en contrôle et dominant la situation. Le patient est dans une position de dépendance. Il n’y a pas de mutualité dans la relation et le thérapeute dévoile comparativement très peu de lui-même. » (216)

Le fait que le patient projette sur le thérapeute les aspects de l’objet tant désiré, cela est considéré par Virginia Wink Hilton comme « l’outil le plus puissant de guérison et de réparation», et, simultanément, « peut aussi être la source de la plus grande des destruction ». Comme elle explique : « il est difficile de ne pas faire mauvais usage de ce pouvoir, dans le but de réparer ses propres dommages œdipiens, comme le thérapeute qui séduit ou rejette, cela étant en relation avec ce qu’il a vécu comme expérience dans sa propre enfance » (216). Le thérapeute n’est pas à l’abri de faire un tel agir et de blâmer le patient. L’une de ses affirmations importantes est que le transfert se termine seulement lorsqu’il est dissout. Elle souligne notre responsabilité relié à notre travail. « Nous devons, en tant que thérapeutes et formateurs, premièrement et avant tout, comprendre nos propres enjeux non résolus et la manière dont ces problèmes se manifestent dans le contre-transfert » (219).

L’auteure considère qu’il y a deux postulats de base lorsque l’on travaille avec le transfert sexuel : le premier est de fixer des frontières claires, et le second est de permettre au patient de reconnaître et d’affirmer sa sexualité. Un enfant a besoin d’entendre de ses parents dire : 1- tu es une personne ayant une sexualité, 2- tu es une personne désirable, 3- tes sentiments sexuels sont bons, positifs. L’enfant a besoin que ses parents voient et reconnaissent sa sexualité sans s’en mêler, et la même chose est demandée au thérapeute qui, de plus, doit être connecté à sa propre sexualité. « Lorsque le patient, à travers processus thérapeutique, fait l’expérience de son énergie sexuelle, qui s’accompagne de joie et d’un désir d’expression, nous devons avoir le courage d’être totalement connecté à notre propre énergie sexuelle, afin de rester à la fois complètement présent et séparé du patient, ne désirant rien ou n’ayant pas besoin de quoi que ce soit de la part de celui-ci » (223).

Len Carlino : L’utilisation du Soi du thérapeute (1993)

Len Carlino préfère le terme « utilisation du Soi du thérapeute » plutôt que le terme contre-transfert. La pensée psychanalytique fait la distinction entre une relation réelle, (ce sont des interactions entre le patient et le thérapeute où il y a un manque de projections inconscientes et qui sont fondées sur des perceptions exactes) et la relation transférentielle et contre-transférentielle qui comprend une répétition du passé, et qui déforme la réalité. Aussi, comme il est difficile de faire une distinction claire entre le matériel conscient et inconscient du thérapeute, et puisque la distinction entre une relation réelle et une relation de transfert est relative, la meilleure option pour le thérapeute est d’utiliser activement le contre-transfert : « Le patient stimule en nous l’affect qu’il n’ose s’avouer, dans l’espoir que nous puissions le tolérer et y répondre » (89).

Le patient apprend à contenir et intégrer son affect à mesure que le thérapeute lui retourne. Cette expérience de réapprentissage doit impliquer une réponse émotionnelle de la part du thérapeute. La « réalité émotionnelle » entre le patient et le thérapeute constitue alors « l’unique réalité » (89). Son engagement est la contribution essentielle du thérapeute, « un engagement inflexible, un engagement envers la vérité du patient afin de maintenir l’intégrité de la relation thérapeutique, de son processus, ainsi qu’une conscience de la manière dont le transfert façonne le contre-transfert et vice versa » (90). Un contre-transfert puissant, qui ne peut être reconnu et géré dans le traitement, deviendra un agir. L’agir peut revêtir diverses forme comme : garder une distance non thérapeutique avec le client, refuser de faire équipe avec lui, la peur de perdre son contrôle, ou d’obtenir certaines satisfactions directes de la part du patient.

L’auteur propose certaines lignes de conduite à suivre pour l’usage du Soi du thérapeute : 1- Le thérapeute doit être conscient de ses propres forces et faiblesses, et de son type de personnalité. 2- Toute intervention devrait être effectuée pour la guérison du patient et non pour l’auto traitement du thérapeute. 3- L’utilisation du Soi devrait être perçu sur un continuum dans le cadre de la relation thérapeutique. 4- Le thérapeute a besoin d’être enraciné dans son corps, ce qui va l’aider à contenir une charge affective intense et être capable de l’exprimer adéquatement. 5- Le thérapeute doit être capable de gérer ses propres sentiments, de manière plus constructive que ne l’ont fait les parents du patient. 6- La manière la plus efficace de faire usage du Soi s’appuie sur l’honnêteté du thérapeute, directe et sans jugement.7- Le thérapeute doit avoir des frontières claires et stables, surtout en ce qui concerne les patients qui n’en possèdent pas, ainsi que des frontières plus perméables, qui permettent au client de vivre des expériences régressives. 8- Le thérapeute doit être capable de discuter avec le client des affects « les plus précoces » de celui-ci plutôt que de simplement les observer. Il doit être ouvert, prêt à ressentir des sentiments inconfortables tels que la confusion, l’anxiété, la folie, le désespoir, la colère, ou l’excitation sexuelle. Carlino conclut ainsi : plus un thérapeute est enraciné dans la propre conscience de lui-même (d’elle-même) et de l’utilisation de son Soi, plus grande sera son habileté d’utiliser son Self de manière constructive dans le cadre de la relation thérapeutique.

Jean Marc Guillerme : Contre-Transfert Corporel chez Freud, chez Reich et aujourd’hui (1994)

Qu’est-ce que le corps de l’analyste dit sur lui-même ? Jean Marc Guillerme fait des commentaires en tenant compte de la manière dont Harold Searles avait besoin de développer une tâche « de détective » afin de donner un sens à ses réactions contre-transférentielles. Il nous plonge dans le contre-transfert de son propre corps, en présentant une situation clinique et en faisant référence aux réactions de contre-transfert corporels chez Freud et Reich.

Lors d’un atelier, le client, un homme se plaignant tout le temps, fait un commentaire, rejetant le travail de Guillerme faisait avec lui, le jugeant comme superficiel. La réaction de Guillerme fut d’une certaine façon inadéquate,. plus tard dans la semaine celui-ci souffre de diarrhée et il se sent préoccupé et affecté par cette situation. Le patient ne vient pas à la séance suivante et le thérapeute se retrouve avec une douleur lombaire souffrante et invalidante. De plus, il lui faut des jours pour récupérer de problèmes de digestion et réduire la tension lombaire, ainsi que de pouvoir intégrer la signification de ce qui s’est passé. Il s’était senti publiquement rabaissé par la remarque de son client sur ses compétences cliniques, sur son travail en tant qu’analyste bio énergéticien et en tant que personne.

Guillerme en discuta avec le Dr Lowen. Les commentaires de ce dernier furent qu’il avait eu peur de sa propre violence lorsqu’il a réalisé que son besoin narcissique d’être un super-thérapeute pour son patient (une demande inconsciente et impossible de la part du patient) avait échoué. Reich nomme cette demande inconscience de « toucher de Midas », comme si, tout ce que l’analyste touchait, guérissait comme par miracle. L’analyste devient alors le guérisseur magique et ses interprétations sont des présents miraculeux pour ses patients. Mais il s’agit là en réalité « d’eaux troubles », car cela conduit à de mauvaises évaluations des patients, et à des sentiments d’hostilité envers le patient qui ne parvient pas à donner à l’analyste la satisfaction narcissique de l’avoir guéri. » (120).

Guillerme, en traversant les vicissitudes de ce contre-transfert, pris conscience de ses signaux physiques, des vœux qu'il projetait sur le client, de ses ambitions narcissiques, ses erreurs, et la difficulté de s’en séparer. En somme, tout cela constitue les éléments essentiels pour comprendre ce qui se passe dans la relation thérapeutique d’un point de vue somatique. En même temps, il réfléchit sur les symptômes physiques dont Freud et Reich ont souffert à cause de ruptures abruptes ou des séparations douloureuses. Freud eut sa première crise cardiaque après sa rupture avec Josef Breuer, et la deuxième après la mort de Karl Abraham, autant que des évanouissements, tels que relatés par des commentaires de Carl Gustav Jung. Reich développa une tuberculose après que Freud eut reçu froidement sa théorie portant sur l’orgasme et après ses conflits avec sa femme. Il fut rejeté par Freud qui refusa de l’analyser et fut profondément blessé par les conflits avec celui-ci, résonant probablement avec les conflits qu’il avait eu avec son propre père.

Guillerme offre une définition du contre-transfert corporel se fondant sur la définition de Freud, selon laquelle il s’agit d’un affect qui parvient à l’analyste à la suite de l’impact que le patient a sur ses propres sentiments inconscients. Cette opinion va dans le même sens que les commentaires de Lowen au sujet des analystes qui ne se sont pas assez confrontés avec leurs propres structures corporelles, leur personnalité, et n’ayant pas assez évolué à ce niveau. Guillerme définit le contre-transfert comme « une agitation physique soudaine, imprévisible, incompréhensible à première vue, avant, pendant ou après une séance. Cette agitation s’exprime par des symptômes physiques, une tension particulière, ou des parties de ses rêves. Dans d’autres situations, cette agitation est reliée au corps ou à l’affect d’un patient » (132). Selon lui, le contre-transfert corporel est vécu par le thérapeute comme une sorte de traumatisme qui demande un long travail « d’enquête » d’autoanalyse, une décharge aux niveaux énergétique et émotionnelle du thérapeute, ainsi que de développer de la tolérance et de la patience afin de ne pas s’emporter, tomber dans l’agir avec le patient. Il conclut en disant : « Peut-être que nos réactions contre-transférentielles corporelles sont comme des hiéroglyphes que, seuls, nous ne pouvons déchiffrer correctement ».

Bob Hilton : Contre-transfert : Une perspective énergétique et caractérologique (1997)

Bob Hilton établit, comme Alice Miller, deux types de contre-transfert : 1- Un contre-transfert subjectif, où le thérapeute obtient du patient des ressources narcissiques qui lui ont été refusées par ses parents. 2- Le contre-transfert objectif, où le thérapeute, ayant travaillé sur ses besoins narcissiques, ressent dans son corps les expériences du patient, et, grâce à sa connaissance du niveau somatique, est capable de construire un contact empathique et s’approcher d’une résolution de la relation transférentielle.

  1. Dans le contre-transfert subjectif, il fait la distinction entre le Soi primaire, le Soi contracté et le Soi adaptable. Le Soi primaire est l’expression fondamentale de la psyché et du soma dans le monde. Lorsque ce Self rencontre de la négativité, son énergie se contracte et il devient le Soi contracté qui entrave la force vitale du Soi primaire. Le désir de mourir est investi lorsque le Soi contracté et les besoins de survie ont développé un Soi adaptable. Le Soi contracté et le Soi adaptable s’expriment dans le Soi négatif, se manifestant par de la négativité, et le Soi caractérologique maintiennent un équilibre entre ces aspects. Il s’agit de la forme que l’on a créée pour survivre dans la prison dans laquelle on vit. Lorsque le Soi primaire est reconnu, un vrai Soi, peut prendre la place du Soi relié au caractère. Bob Hilton montre les différentes possibilités lorsque ces différents Soi, exprimés lorsque se rencontrent le patient et son thérapeute. Il explique la façon dont le patient peut percevoir les blessures narcissiques chez le thérapeute, et comment, ils peuvent tous les deux se heurter lorsque le patient ne récompense pas les besoins narcissiques de celui-ci. Il révèle également comment le thérapeute peut se retirer, selon sa structure de personnalité, et manipuler le patient, de la même façon qu’il l’a fait pour survivre. Il est important pour le thérapeute de briser ce cycle, d’être supervisé et de suivre une thérapie personnelle, ainsi que de créer les fondations du vrai Soi. Il a besoin de reconnaître les échecs de son Soi relié à son caractère, sa personnalité, de faire le deuil de sa propre « perte originelle » et d’aider le patient qui a besoin de faire son deuil de cette même perte. Grâce à sa nouvelle prise de conscience, le patient peut être entendu d’une nouvelle façon, et bénéficier de la présence d’une vraie personne pour l’aider à faire le deuil de ses pertes.
  2. Le contre transfert objectif fait référence à la capacité du thérapeute d’être ouvert à son client. Il est capable de ressentir les sentiments générés en lui par le patient et de leur permettre d’être présents. Il doit rester enraciné dans sa propre réalité et peut être perçu comme un authentique modèle pour le patient. Le thérapeute est alors « capable d’utiliser son corps comme un instrument de résonance sur lequel la « musique » du patient est jouée. La résonance est ce que le patient n’a pas reçu de sa propre famille et ce qui devient alors la base de la guérison de sa blessure narcissique … le thérapeute est alors en mesure de faire confiance à sa réponse intuitive et est moins susceptible de tomber dans le piège narcissique posé par lui-même et le client » (262). Grâce au transfert et au contre-transfert, la relation thérapeutique nourrit un processus de guérison mutuelle où le thérapeute et le client sont tous les deux guéris : « Le processus contre-transférentiel, par lequel le thérapeute doit se mouvoir pour parvenir à sa propre guérison, est le même que le processus transférentiel du patient. Le « patient-enfant » est dans un processus constant de guérison du « thérapeute-parent », en autant que lui-même soit guéri. » (263)

Vita Heinrich : Les phénomènes physiques du contre-transfert. Le thérapeute comme corps de résonance (1999)

L’auteure présente le concept de résonance corporelle et nous explique sa manière créative de travailler, en se servant de l’intuition comme d’un outil corporel central, afin de sentir ses propres résonances corporelles et celles de son client. Le transfert et le contre-transfert s’expriment en tant que phénomènes somatopsychiques : « Je dois m’impliquer avec mon intuition, je dois tout examiner, au lieu d’analyser « tout en morceaux ». Mes sensations et images corporelles sont comme une résonance à la réalité physique du client ». (20)

Dans les interactions thérapeute-patient, les traits inconscients et refoulés du patient ainsi que ses parties divisées, ont un effet direct sur la thérapeute. Celle-ci se positionne dans le champ énergétique du patient, à 20 cm de distance,. « les yeux fermés, et au lieu de sentir le contact réel, je me laisse être « touchée », sans contact réel en retour ». En se positionnant de quatre façons différentes, les deux côte à côte, devant et en arrière. Puis elle explique : « Je laisse mon corps répondre à la réalité physique du patient. Les sensations physiques émergent : froid, relaxation, faim, fatigue. À mesure que le temps passe, des sentiments plus complexes apparaissent tels la honte, la peur, la colère, la tristesse, en combinaison avec des signes physiques comme le rythme de la respiration et les schémas de posture musculaire et corporelles. Ces sensations dévoilent quelque chose du Soi réel du patient qui communique à un niveau non verbal, de corps à corps. » (21)

Heinrich considère que la résonance peut se manifester au travers des métaphores, des images, des sensations corporelles, ou des sentiments. Ce sont des messages corporels que le client nous envoie. Il y a un échange énergétique d’un corps à un autre, qu’elle trouve plus rapide que les échanges verbaux, et qu’elle considère également comme une importante source de communication. Enfin, êtreconscient de nos sensations contre-transférentielles, nous aide à nous connecter aux sensations du patient.

Ben Shapiro : L’iceberg coulera-t-il le Titanic ? Eviter les collisions et collusions provoquées par le côté sombre du client et du thérapeute : une approche bioénergétique (2000)

Shapiro nous présente le problème du transfert et du contre-transfert à travers une histoire métaphorique. L’iceberg et le Titanic représentent le client et le thérapeute qui peuvent se heurter ou comploter l’un et l’autre. Il nous emmène dans ce qu’il appelle « le côté sombre » du thérapeute et du client, qui incarne en réalité les aspects négatifs du transfert et du contre-transfert.

Le client se tient sur l’iceberg, demandant à le secourir d’une situation périlleuse. Le sommet de l’iceberg est le faux Self du client et, derrière, se trouve la structure de sa personnalité, son caractère. Du côté du pont, le thérapeute voudrait l’aider. Il fait la différence entre le côté lumineux et le côté sombre de la thérapie, les dimensions défensives du client. La résistance, le transfert négatif, les agissements du client, représentés par la partie immergée de l’iceberg menacent de couler le côté grandiose du thérapeute. Il existe aussi le côté sombre du thérapeute, ses peurs subconscientes et sa tendance à les refouler. Shapiro nous montre alors une façon d’éviter la collision avec le côté sombre. Symboliquement, le thérapeute utilise un zodiac pour approcher l’iceberg afin de déterminer où la glace est dangereuse. Il peut tenter une approche humoristique qui peut aider le client à dévoiler ses démons afin qu’ils puissent s’en occuper. Alors, le client peut rejoindre le thérapeute dans le zodiac, et, tous deux, en plongée sous-marine, examinent les dimensions les plus difficiles du côté sombre. Le côté sombre ce sont ces sentiments et impulsions bloqués par la structure de la personnalité. Shapiro utilise la métaphore du démon pour personnifier le côté sombre.

Leslie Case : Lorsque la confiance devient méfiance et les autres dangers du contre-transfert (2000)

Case nous partage des expériences très personnelles et intimes, ainsi que ses réflexions sur le transfert et le contre-transfert dans sa longue psychothérapie personnelle, incluant son vécu avec de nombreux psychothérapeutes. Elle explique « il m’a fallu 26 ans de thérapie avec six thérapeutes bio énergéticiens différents pour être dans ce corps » (67). Au cours de ce voyage intérieur, elle a beaucoup appris sur les défis reliés au transfert et au contre-transfert, et sur ce dont le thérapeute et le client ont peur. « La résistance mutuelle à explorer les interactions m’empêchèrent de faire face à mes blessures les plus profondes. J’avais peur de me sentir faible, en échec, inadéquate et insignifiante. Mes thérapeutes avaient peur également de leurs propres imperfections. Chacun d’entre nous, se protégeant de notre passé, rendant nos vies plus prévisibles ». (72)

En se confrontant à ses propres défis et son expérience profonde, elle se penche sur les dangers potentiels qui peuvent interférer avec la relation thérapeutique, lesquelles pouvant être résumés ainsi : a) Ne pas être compris, b) ne pas avoir été soutenu, c) être blâmé, d) le thérapeute qui en fait trop, e) ne pas être reconnu, f) le thérapeute qui est trop proche ou trop distant, g) recevoir des messages à double contrainte, h) être dominé par le thérapeute.

Elle décrit son propre cheminement, avec des images poétiques, et je trouve son article comme étant un geste très courageux puisqu’elle nous partage des sentiments très profonds. Elle nous parle de l’ombre et de la lumière, de la connexion et des ponts effondrés, de la joie et du sentiment d’impuissance, de l’harmonisation et de la trahison. Case nous partage toutes les complexités d’une relation thérapeutique à mesure qu’elle plonge dans les profondeurs de son âme et de son corps. Elle conclut son article comme suit : « Le voyage intérieur que je viens de décrire était fait de chemins parsemés d’embûches, parfois très dangereux, remplis d’impasses et de détours, de cul-de-sac et de carrefours. Le contre-transfert de mes thérapeutes a créé beaucoup de ces obstacles qui s’ajoutèrent à ceux structurés dans mon corps. Heureusement, la vérité et la beauté de l’Analyse bioénergétique se révélèrent plus fortes que toutes nos personnalités » (80).

Michel Brien : Corps en résonance (2001)

Brien développe le thème de la résonance corporelle thérapeute-patient, la façon dont le thérapeute peut sentir ce qui se passe dans le corps du patient, de façon différente. Il explique que le corps émet continuellement des messages lors du processus thérapeutique. C’est un peu comme si le corps du thérapeute pouvait sentir les expériences internes du patient, qu’il tente de saisir, mais qui ne sont pas encore accessibles à la conscience du patient. Le corps du thérapeute devient alors un outil thérapeutique essentiel, dont nous avons besoin, pour déchiffrer un élément crucial du message qui doit être compris. Il devient un outil thérapeutique qui dévoile, aussi important que les mots le sont et l’écoute, écoute qui permet d’explorer des territoires où les mots ne sont pas encore autorisés. « Pouvons-nous imaginer que le symptôme, ressenti dans le corps du thérapeute, puisse révéler les dynamiques appartenant au client ? Si nous y portons attention, le corps parle et émet continuellement des messages. C’est comme si le corps du thérapeute évoquait les expériences internes du client, qui ne lui sont pas encore accessibles. Les manifestations corporelles, dans le contexte thérapeutique, appartiennent aux messages non verbaux et doivent être décodées. Le corps joue un rôle considérable dans ce discours qui doit être compris, et il devient un outil thérapeutique au même titre que le sont les mots et l’écoute ». (2)

Il cite trois auteurs qui ont apporté leur contribution dans la compréhension de la problématique de la résonance du client dans le corps du thérapeute. De Reich, il dit que nous conservons le principe de l’identité fonctionnelle ; de Lowen, la notion de circulation de l’énergie ; et de Keleman, les liens entre l’environnement familial du client et l’organisation somatique qui en découle. C’est le chemin qui, selon lui, permet de passer de la structure corporelle pour en arriver au corps en résonance. Il explore un concept intéressant de Keleman : le corps du client comme étant l’environnement du thérapeute. L’environnement du client est déréglé et alors il a besoin d’aide. « En thérapie, l’environnement auquel le thérapeute est exposé est le corps du client avec son histoire, ses expressions et sa manière de créer le contact. C’est en étant en résonance avec le corps du client que le corps du thérapeute développe une réponse » (4). L’auteur utilise ici une belle métaphore musicale afin d’expliquer cela : « la mélodie qui résonne dans le corps du thérapeute est la musique jouée dans le corps du client. Avec la musique, le client émet une onde transportant une émotion qui affecte le corps du thérapeute ». (5)

Il cite également Joseph Sandler et son concept de « résonance flottante », et relève des similarités entre l’écoute du corps et l’attention flottante du psychanalyste qui écoute les mots. Il y a aussi David J. Wallin, un théoricien de l’attachement, qui affirme : « nous sommes les outils de notre échange », considérant le thérapeute comme un outil fondamental du changement thérapeutique, alors que Brien considère que le corps du thérapeute est cet outil fondamental. La circulation d’énergie dans le corps du thérapeute montre le processus thérapeutique en action dans le corps du client. La présence d’une tension chez le thérapeute pourrait signaler une attitude défensive chez le client. Dès lors, la tension est un indicateur de conflit, et, inversement, la circulation d’énergie montre que la vie en mouvement. L’auteur utilise une autre belle métaphore, soit celle que le corps est le terreau où l’on fait pousser les mots. Il met l’accent sur la nécessité pour le thérapeute de prendre soin de lui-même afin que le client puisse résonner avec un corps sain. Alors, explique-t-il, nous pouvons être le sol où le client plante ses graines pour venir les récolter plus tard. Il termine son argumentation avec une autre métaphore musicale pour expliquer le processus de guérison qui se produit dans l’interrelation. « Le corps du thérapeute offre une variété de résonances afin que le patient compose sa propre pièce et crée la mélodie qui permet l’alliance thérapeutique » (9). Il considère que l’Analyse bioénergétique offre la clé d’accès à l’utilisation thérapeutique de la résonance corporelle.

Louise Fréchette : Le contre-transfert, comment l’utiliser sur le plan énergétique (2004)

Fréchette part des idées d’Harold Searles sur les notions de transfert et de contre-transfert. Il considère que ce sont « des tentatives de guérir, de réparer et de faire en sorte que le patient ait un sentiment d’unité », et que le contre-transfert est « un lieu pour une croissance mutuelle ». (1) Il considère qu’il y a deux fonctions reliées au traitement thérapeutique. La fonction primaire est d’offrir au patient une résolution analytique au travers de la prise de conscience, et la seconde fonction devrait être la résolution de la psychopathologie de l’analyste, et uniquement dans le cas où cela est utile pour la fonction première.

Dans son enseignement pédagogique, Louise Fréchette parle de certains auteurs tels R. P. Irvine, Daniel Stern qui distinguent deux types de contre-transfert : 1. Le contre-transfert résultant des problèmes non résolus de l’analyste. 2. Le contre-transfert comme réponse au transfert du patient. Le premier type de transfert « survient lorsque l’inconscient de l’analyste s’identifie aux objets internes du patient et fait l’expérience de ceux-ci comme s’il s’agissait de ses propres objets internes, activant ainsi les conflits non résolus chez celui-ci » (2). Afin d’illustrer le second type de transfert, Fréchette développe le concept d’identification projective et le définit comme une interaction inconsciente, indépendante des conflits de l’analyste. Il s’agit de la réaction du thérapeute face à l’intensité et la qualité de l’identification projective du patient : « Si le thérapeute ressent une sensation, une émotion, une pensée étrangère, quelque chose qui semble « hors de sa personnalité » et donne l’impression d’une « fausse note », et qui de plus est rarement ressentie avec d’autres clients, il y a de grandes chances que le thérapeute soit en train de se "battre" avec une pièce qui appartient au client, mais que celui-ci n’en a pas conscience pour le moment. » (4).

« Grâce à ce mécanisme de défense d’identification projective, le client met cette sensation, ce sentiment, cette pensée, dans le thérapeute afin qu’il le garde jusqu’à ce que celui-ci soit prêt à le reprendre et à l’intégrer de manière consciente. Il s’agit d’une pièce qui appartient au patient mais que celui-ci ne peut faire sienne pour le moment. »(4). Cependant, si le thérapeute fait l’expérience de sentiments qui lui sont familiers, ou de sensations qui sont typiques de sa propre organisation somatique, et qui sont également ressentis avec d’autres clients, cela signifie alors que le patient a déclenché quelque chose qui appartient à la structure de la personnalité du thérapeute. Parmi les problèmes personnels du thérapeute qui peuvent être rencontrés dans le cadre du travail, on retrouve les problèmes liés aux frontières thérapeute-client comme : l’horaire, les coûts et la durée de l’heure de consultation.

Bob Lewis : L’identification projective revisitée : l’écoute grâce au système limbique (2004)

Bob Lewis revisite le concept d’identification projective au travers des contributions des neurosciences. Il s’intéresse aux conséquences cliniques du modèle psycho-neurobiologique de l’identification projective d’Allan Schore. Pour Schore, il s’agit d’un processus utilisé tout au long de la vie d’un individu, qui implique des communications non verbales et émotionnelles spontanées à l’intérieur d’une relation dyadique. Il décrit à la fois les schémas sains et perturbés de régulation émotionnelle dans la dyade lors de la petite enfance, les qualifiant de « conversations entre systèmes limbiques ». Lewis ajoute que « Lorsque la conversation dyadique implique des dérèglements importants ainsi qu’une mauvaise harmonisation, une utilisation défensive de l’identification projective laisse une empreinte dans le système limbique en maturation ». Le corps du thérapeute doit être disponible pour les états de dysfonctionnement du client, comme une mère qui faisant preuve d’empathie, qui s’ajuste aux états internes de son enfant. « Le corps du clinicien est l’instrument primaire permettant l’harmonisation psychobiologique. » (4). Lewis définit les processus d’identification projective comme des processus somatiques et sensoriels : « Puisque les sensations et les émotions sont des phénomènes psychobiologiques et que le Soi a ses fondations dans le corporel, l’identification projective ne représente donc pas des communications de type linguistiques, mais plutôt de nature corps-esprit »(4).

Que peut-on faire afin de ne pas interrompre la connexion empathique de sa propre douleur ou à celle du patient, et d’éviter de sortir du cerveau droit, relié aux sentiments, pour entrer dans le cerveau gauche, relié à la raison ? Selon Lewis, la solution est de s’accrocher à notre état viscéral jusqu’à ce que des images (visuelles, tactiles, olfactives, etc.) nous parviennent, bien que le matériel auditif et tactile puissent se présenter sans image. Pour Lewis, les communications corporelles qui sont transmises par la posture, la gestuelle et le mouvement, ne sont pas souvent reconnue dans le contexte psychothérapeutique. Il parle de façon plus spécifique des mains du patient et la manière dont elles peuvent exprimer l’état intérieur de celui-ci. Nous pouvons déchiffrer le langage corporel du patient grâce à notre cortex orbitofrontal droit, et ce que le patient communique, par l’identification projective qui est décodé par le cerveau droit du thérapeute. « Seul l’esprit inconscient de l’analyste peut recevoir le message ». Il considère le thérapeute comme un « contenant soutenant » pour les états intérieurs déréglés du patient. « Lorsque je m’assois avec mon patient et que je dirige son attention sur le ton de sa voix … ma façon d’être présent à celui-lui est de soutenir son matériel inconscient, somatique, sensoriel ou autre non intégré » (11). Il termine en disant qu’il y a certaines choses qui ne peuvent être très bien expliquée, et que l’identification projective en est une de celles-ci.

Violaine De Clerck : Le corps, la relation thérapeutique et le transfert (1993, 2007)

La relation psychanalytique classique possède deux dimensions : le développement d’une relation analytique et la résolution du transfert. Il y a une troisième dimension que nous apportons en Analyse bioénergétique, à savoir, le corps. « Le travail au plan corporel est considéré comme un axe autour duquel les deux autres dimensions du processus sont articulées » (180). Traditionnellement, en Analyse bioénergétique on intervient à deux niveaux : un travail au plan analytique et verbal et également un autre, soit sur les processus corporels. On considère deux phénomènes relationnels apparaissant dans la thérapie : une relation interpersonnelle « réelle » et une relation de type transférentielle incluant les relations transférentielle et contre-transférentielle. Ces deux types de relations sont considérées comme formant un tout dans la relation thérapeutique.

De Clerck cite Michèle Van Lysebeth qui propose trois types de phénomènes relationnels se développant dans la thérapie. De plus, elle considère la relation entre le thérapeute et le patient comme étant un agent crucial. Ainsi 1- La relation de transfert est fondée sur le monde intérieur du patient et indépendante du thérapeute. Elle stimule un contre-transfert qui fait partie intégrante du processus. 2. La relation, dans le sens habituel du terme, est l’endroit où le thérapeute et le patient s’associent. Sa limite est en lien avec par les points aveugles de l’analyste, qui doivent être travaillés dans le cadre de la thérapie et la supervision 3. La relation analytique découle de la transformation des deux types de relations précédentes, des interprétations et de l’attitude de l’analyste. Ce type de relation mène à une relation réelle, qui encourage le développement du patient, au sein d’un lien intersubjectif entre l’analyste et le patient. Ces trois phénomènes sont présents tout au long du processus thérapeutique.

La relation analytique devrait être au centre du travail en Analyse bioénergétique. L’analyste endosse les fonctions parentales, contient émotionnellement et est disponible pour le patient. Sous cet angle, l’Analyse bioénergétique possède trois dimensions : le travail relationnel, le travail corporel et l’analyse de transfert. De plus, ces dimensions sont reliées réciproquement entre elles. Chacune de ces dimensions provoque des changements thérapeutiques et affecte les deux autres. Le développement d’une relation analytique est au centre du processus thérapeutique. L’analyste répare les impasses créées par un déficit du développement du Soi, étant le résultat d’attachements traumatisants dans la petite enfance. Ce déficit peut être guéri par une expérience relationnelle construite dans une relation qui est de nature réciproque. Le travail corporel dans le cadre de la relation transférentielle et analytique peut précéder, être simultanée ou suivre l’analyse de transfert ou la soutenir.

  1. Le travail corporel, en combinaison avec celui portant sur la relation transférentielle, se fait de quatre façons. a) Le travail corporel précède l’analyse de transfert : « Seules les connaissances connectées aux émotions produisent un relâchement et un changement thérapeutique. » b) Le travail corporel, en tant qu’auxiliaire de l’analyse de transfert, la rend plus accessible en autant que les interventions physiques du thérapeute facilite les réactions de transfert. Le thérapeute agit comme objet transférentiel. c) L’analyse du transfert précède le travail corporel. d) Le travail corporel et l’analyse du transfert se font simultanément. Cela se produit lorsque les tensions musculaires liées au caractère s’incarnent dans l’émotion vécue dans le cadre du transfert (192). Elle conclut en expliquant que « les interventions corporelles qui sont utiles à l’analyse du transfert sont des équivalents corporels de l’interprétation du transfert. Il s’agit alors de la dimension analytique du travail corporel » (197).
  2. Comment se fait le lien entre le travail corporel et la relation analytique ? La relation analytique prend place lorsque le Soi corporel est développé mais profondément perturbé. « Les sentiments et les perceptions surgissent d’un « sujet » mais peuvent être rigidifiée dans des impasses relationnelles, déterminées par des expériences relationnelles vécues durant l’enfance » (199). De Clerck considère que le travail corporel unifie l’expérience émotionnelle développée dans la relation analytique. Lorsque le thérapeute s’implique émotionnellement dans un échange, cela contribue au développement de la relation analytique. Le thérapeute répare et crée des liens. « Le thérapeute bio énergéticien permet l’interaction entre lui et le patient, créant ensemble une vibration, qui représente pour le patient, une expérience émotionnelle corrective cruciale, laquelle implique toute son organisation, interne et externe, libérant sa force vitale » (200). Elle termine avec quelques réflexions sur la « présence adéquate » du thérapeute dans le cadre du travail bioénergétique. « Le thérapeute bio énergéticien s’engage activement en s’engageant dans une expérience relationnelle, ce qui permet un échange émotionnel tout en maintenant une position analytique » (202).

Guy Tonella : Attachement, transfert et contre-transfert (2008)

Guy Tonella distincte deux possibilités concernant la question du transfert, soit : a) Travailler avec des confits sexuels (reliés à analyse de caractère), en se fondant sur un processus analytique corps/esprit où l’on travaille avec les tensions musculaires, les schémas psychiques défensifs, et les schémas relationnels comme le transfert, b) ou travailler avec les déficits et les traumatismes reliés au développement, qui requièrent un système intersubjectif, où le travail est fait, à un niveau plus important, au plan non verbal. Dans cette situation, « le thérapeute n’est plus celui qui sait, qui fait une lecture corporelle et interprète, mais il est quelqu’un qui ressent, qui permet un processus de régulation, qui donne son point de vue et contribue, avec le patient et d’une façon créative, à donner un sens à ce qui se passe. » (5) Il cite Peter Fonagy, auteur ayant contribué au développement de cette dimension intersubjective dans la relation thérapeutique, qui a la conviction que « lorsque le vécu du patient est ressenti et réfléchi par le thérapeute, le patient commence à ressentir et à penser par lui-même ». (5)

Tonella distingue le concept traditionnel de transfert du transfert d’attachement. Il considère que ce que nous nommons généralement transfert, peut être présent dans les postures du corps, des expressions émotionnelles du visage, dans les yeux, un tremblement subtil ou de micromouvements spasmodiques, une respiration superficielle, des pensées, des images, des rêves et des fantasmes. Puis le thérapeute est vu par le patient inconsciemment et à travers les projections, comme son vrai parent. Travailler sur le transfert signifie aider le patient à rendre ces projections conscientes et à libérer ou transformer les mécanismes du corps et de l’esprit qui produisent cette « répétition » (5). Mais, il apporte également une autre dimension à la notion de transfert, parlant du transfert d’attachement. Il le définit ainsi : lorsque le client considère le thérapeute comme le parent qu’il n’a pas eu. Dans ce type de transfert, le patient ne considère pas le thérapeute comme un parent qui rejette sa sexualité, mais plutôt comme celui qui peut répondre à ses besoins primaires. Le patient n’espère pas se libérer de ses inhibitions mais plutôt il espère rencontrer la personne réelle du thérapeute.

Dans le transfert d’attachement, le patient a besoin d’internaliser ce parent sécurisant et empathique qu’il n’a peut-être jamais eu. Le patient sera en interaction avec le thérapeute en fonction de ses schémas d’attachement inconscients. Il va s’adapter, s’immobiliser, se sentira menacé, etc. Selon Tonella, ces attitudes appartiennent au Soi corporel. Elles sont dévoilées, agies, mais peut-être n’y a-t-il aucun mot pour les exprimer. « Le patient utilise sa mémoire limbique sans le savoir », Il s’agit d’un transfert d’attachement spécifique qui « n’est pas situé dans la mémoire linguistique, sous la forme de pensées avec des représentations et des mots, mais dans le Soi corporel, et dans les façons d’être en interaction avec les autres » (6). Il examine certaines tâches que le thérapeute utilise dans ce mode de transfert. Celui-ci doit : A- explorer les schémas d’attachement du patient qui peuvent dévoiler un sentiment d’insécurité, de peur d’être ignoré ou incompris, des états intérieurs instables, etc. B- aider le patient à découvrir l’origine de ses schémas d’attachement, tant au niveau sensoriel qu’émotif, au travers de sa résonnance limbique. Il aidera le patient « à ressentir cet état et à s’en libérer ». C- aider le patient à comprendre la façon dont ces schémas d’attachement influencent ses relations amoureuses et sexuelles. Selon Tonella, les problèmes sexuels peuvent être la conséquence d’un attachement préverbal instable.

À la question de ce qu’est le contre-transfert, il répond que « celui-ci est une réaction d’un schéma d’attachement instable du thérapeute, en réponse à un schéma d’attachement insécurisant chez le patient » (6). Selon le schéma d’attachement du thérapeute, les expressions sensorielles et émotionnelles du patient peuvent être acceptées ou rejetées.

3 Redéfinir la relation thérapeutique, le transfert et le contre-transfert : contributions de la psychanalyse relationnelle, de la théorie de l’attachement et des neurosciences, à travers le prisme des auteurs bio énergéticiens

3a Nouvelle perception de la relation thérapeutique et du contre-transfert par la psychanalyse relationnelle

D’un point de vue historique, la relation thérapeutique a été considérée comme asymétrique. Le thérapeute est supposé savoir et interpréter, et le patient ne sait rien de ses parties inconscientes qui doivent être révélées. Le contre-transfert a été considéré longtemps comme un obstacle au processus thérapeutique à cause de conflits non résolus chez le thérapeute. Cependant, le concept a évolué dans le domaine thérapeutique et en Analyse bioénergétique également. Partant des approches en psychanalyse relationnelle, intersubjective, le concept est perçu d’une manière radicalement différente, comme étant un outil essentiel pour le thérapeute. Dans cette perspective le transfert et le contre-transfert sont considérés comme étant une matrice interactive visant à utiliser les réponses de contre-transfert du thérapeute de façon constructive. Le thérapeute et le client contribuent à l’alliance thérapeutique, grâce à leur subjectivité, et le thérapeute ne se contente plus d’interpréter, mais il participe, crée avec le patient la situation thérapeutique. Le transfert et le contre-transfert se manifestent dans des dimensions corporelles et apparaissent pour la première fois dans les approches thérapeutiques, également dans des approches qui ne sont pas fondées sur la dimension corporelle, principalement grâce aux contributions provenant de ces nouvelles théories. Les analystes relationnels parlent aujourd’hui de « contre-transfert incarné », reconnaissant ainsi l’importance des processus corporels.

La dimension relationnelle a eu un impact profond sur la rencontre psychothérapeutique. L’expérience de l’intersubjectivité du patient et du thérapeute joue un rôle très important puisque le thérapeute et le client contribuent tous les deux, avec leur subjectivité respective, à construire l’alliance thérapeutique. Ce changement implique une modification de la position du thérapeute où, initialement, il interprétait et gérait le traitement, et maintenant à une fonction de participant. Ces analystes parlent du « corps intersubjectif », faisant référence aux interactions complexes et inconscientes au sein de la dyade thérapeutique. Une contribution intéressante est celle du Boston Change Process Group, un groupe d’analystes relationnels et de chercheurs (Daniel Stern, Edward Tronick, Karlen Lyons-Ruth, et autres), dont la pensée est influencée par la philosophie de Martin Buber. L’idée principale de cet auteur est que toute véritable guérison implique une rencontre authentique avec l’Autre. Leur définition de la relation thérapeutique est qu’il existe une relation entre le patient et le thérapeute qui est vraie et authentique. Elle est définie par Lyons-Ruth ainsi : « Le cadre intersubjectif est façonné par le croisement des connaissances relationnelles implicites du patient et du thérapeute. Ce cadre s’étend au-delà du transfert et du contre-transfert et inclut l’implication personnelle authentique, ainsi que les sensibilités relatives aux façons d’être l’un envers l’autre » (2007). Un autre concept développé par ce groupe est la « connaissance relationnelle implicite » qui fait référence aux processus inconscients emmagasinés dans la mémoire implicite, qui sont révélés par le matériel inconscient présent dans la relation.

Le tiers analytique, l’intersubjectivité et le domaine relationnel

« Le tiers analytique » est un concept développé par Thomas H. Odgen et Jessica Benjamin, deux analystes de l’approche relationnelle. De leur point de vue, il existe deux subjectivités dans l’espace thérapeutique, et, entre elles, se trouve un espace où se créent les liens. Cet espace intersubjectif est ce qu’Ogden et Benjamin appellent « le tiers analytique intersubjectif », une sorte de troisième subjectivité qui découle des interactions des deux autres. La relation entre ces deux subjectivités, combiné à l’espace où se créent les liens qui se situe entre elles, constituent le domaine relationnel ou le système intersubjectif. Dans ce système, il y a une interaction continue et réciproque entre le thérapeute et le client. Il s’agit d’un échange psychique, émotionnel et somatique continu, qui se déroule principalement de façon inconsciente. Le tiers analytique contiendrait les idées, croyances, et fantasmes créés conjointement, et partagés par le patient et l’analyste.

Plusieurs théoriciens de la théorie relationnelle, considèrent que le concept « d’interaction mutuelle » se substitue aux concepts traditionnels de transfert et de contre-transfert dans la pratique clinique. En effet, le transfert et le contre-transfert appartiennent davantage au premier modèle (Martha Stark) qui se concentre sur l’intrapsychique, qui ne tient pas compte de l’entrelacement des subjectivités. Certains experts proposent même d’abandonner le concept de transfert (Carlos Rodriguez Sutil) et d’autres (Margie Lachman), de le redéfinir complètement. Aron, un autre analyste relationnel, cité par André Sassenfeld, indique les limites du concept de transfert, puisque le thérapeute ne se contente pas de réagir mais initie également des interactions avec le patient. Pour lui, le terme contre-transfert minimise l’impact que le thérapeute a sur le patient. Aussi, plusieurs théoriciens de l’approche relationnelle critiquent et abandonne le concept analytique d’identification projective pour des diverses raisons (Aron, Mitchell, Robert Stolorow, Bernard Brandchaft et George Atwood). Sassenfeld, analyste de cette approche, nous explique ce changement d’opinion. « Le modèle classique fonctionne uniquement dans une direction ; l’analyste qui influence le patient et non le contraire. L’approche relationnelle met l’accent sur une influence mutuelle, dans les deux directions, qui provoque une transformation mutuelle. Si le patient change, c’est parce que le système intersubjectif a été transformé, et donc, le thérapeute doit changer également. Aron dit qu’il existe une mutualité relativement asymétrique, qui a un impact sur les deux protagonistes. Cependant, cette influence n’est pas équivalente, ni dans leurs rôles partagés, ni dans les fonctions et les responsabilités » (58).

Sassenfeld présente le concept de nouveaux « schémas émergents » qui apparaissent à la suite de l’interaction entre le thérapeute et le patient, ce qui n’existaient pas auparavant. « Dans ces systèmes dynamiques non linéaires et complexes, les interactions réciproques entre les composantes présentes peuvent créer des schémas émergents, des formes et des structures qui sont produites généralement dans l’interaction » (58). Dans ce modèle psychanalytique relationnel en évolution, le transfert et le contre-transfert sont perçus de manières assez différentes, soit comme un processus interactif, comme la psychanalyse Jody Davis nous le montre : « Nous reconnaissons maintenant les processus de transfert et de contre-transfert comme intrinsèquement et irréductiblement interactifs … les transferts ne sont pas des déformations mais des schémas organisationnels concurrents, souvent conflictuels, ou des fantasmes interpersonnels se trouvant à la base de la lutte de chacun pour sa propre intégration … les transferts ne sont pas forcément des substitutions du passé » (185).

Comme l’indique Angela Klopstech, la théorie psychanalytique a subi des changements en profondeur. Elle est partie du modèle freudien de la pulsion, aux premiers modèles relationnels (théorie de l’attachement, théorie de la relations d’objet, psychologie du Soi) qui visaient à fournir certaines expériences correctives, jusqu’aux modèles relationnels plus récents, davantage fondés sur l’approche de Buber (Je et Tu), mettant l’accent sur les interactions réciproques. Le paradigme relationnel, transmit par le Boston Change Process Group et par d’autres analystes, considère la relation comme l’élément crucial pour la transformation, et développe l’idée que notre sens du Soi est continuellement transformé par nos expériences relationnelles intersubjectives. Les expériences somatiques et sensorielles y ont une place importante et il est question de mémoire corporelle, ce que ceux-ci nomment comme étant une mémoire implicite, qui est inconsciente. Les contenus accumulés dans cette mémoire implicite constituent la « connaissance relationnelle implicite » (un terme inventé par le Boston Change Process Group), qui ne peut être transformée qu’à travers le vécu dans le moment présent.

Un autre concept clé utilisé est le concept d’intersubjectivité, provenant de la philosophie phénoménologique. L’esprit, le corps et l’environnement sont étroitement connectés et inter reliés. La division de l’esprit et du corps de Descartes ne tient plus. Avec cette approche, nous n’avons plus un patient en traitement, mais deux subjectivités qui interagissent. Comme Jody Davies l’explique : « Il y a deux participants qui viennent ensemble, et tentent de créer un espace optimal dans lequel ressentir et traiter des différentes dimensions de qui ils étaient respectivement, sont actuellement, et peuvent espérer devenir. Nous cherchons des façons d’atteindre et de toucher l’autre, de le soutenir, de le mobiliser, de le calmer, de le stimuler, et, en fin de compte, de guérir ce qui le blesse. Dans cet espace intersubjectif, l’analyste, lui aussi, veut être atteint, connu et reconnu » (188).

3b L’impact du point de vue relationnel et de l’intersubjectivité sur la pratique en Analyse bioénergétique

Daniel Stern, membre du Boston Process Change Group, souligne l’importance de la relation thérapeutique, comme élément central des processus de changement : « La plupart d’entre nous ont été fortement "brassés" et forcés de réaliser que ce qui fonctionne réellement en psychothérapie est la relation entre le thérapeute et le client. Nous sommes tous "dévastés" par cette réalité, car nous avons passé des années et dépensé beaucoup d’argent à apprendre une technique particulière, ou une théorie, et il est très décourageant de réaliser que ce que nous avons appris n’est que le véhicule, le tremplin nous permettant de créer une relation, ce qui est l’endroit où le travail se fait réellement » (Stern, cité par Helen Resneck-Sannes, 2012).

Dans les années 1980 et 1990, le domaine psychothérapeutique au niveau mondial a été grandement influencé par de nouveaux discours et de nouvelles découvertes découlant de ces nouvelles théories. Certains courageux analystes bio énergéticiens ont commencé alors à explorer, à réfléchir et à incorporer ces nouveaux concepts qui affectent profondément la vision et les dynamiques de la relation thérapeutique, ainsi que les concepts de transfert et de contre-transfert. J’ai l’intention de me pencher sur l’évolution de la relation thérapeutique au travers les contributions de certains auteurs bio énergéticiens qui, sans perdre leurs liens avec les principes fondamentaux de Lowen, ont ressenti le besoin de se connecter dans le courant des approches psychothérapeutiques actuelles. Ils ont inclus certaines de ces contributions à notre théorie et notre pratique, l’enrichissant, trouvant de nouvelles nuances et, en même temps, visant à situer l’Analyse bioénergétique en lien avec de ces nouvelles approches thérapeutiques. Helen Resneck-Sannes (2005) nous donne une perspective historique et repère trois paradigmes chronologiques présents en Analyse bioénergétique. Le premier, développé par John Pierrakos et Alexander Lowen, considérait la personne de l’extérieur, et peut être formulé comme suit : « ouvre l’armure et tu seras libre ». Le second paradigme, développé par Stanley Keleman, David Boadella, Gerda Boyersen et Peter Levine, peut être formulé ainsi : « la structure extérieure n’est pas la seule chose importante, le flux d’énergie dans le corps l’est aussi ». Le troisième paradigme, avec Leonard A. Carlino, David J. Finlay, Robert A. Lewis et Virginia Wink Hilton, et personnellement j’ajouterais David L. Campbell, ont introduit les recherches de l’attachement et de la neurobiologie. Dans ce troisième paradigme, le thérapeute n’est plus un observateur neutre déchiffrant le corps. Ces dernières années, il y a un glissement vers une approche davantage orientée vers la relation avec, par exemple, le modèle « d’une personne et demi ou de deux personnes » de Martha Stark, que nous allons vous expliquer.

J’aimerais ajouter une quatrième vague d’analystes bio énergéticiens encore plus récente, ayant vu le jour ces dernières années. Des auteurs comme Helen Resneck-Sannes, Angela Klopstech, Vincentia Schroeter, Guy Tonella, Scott Baum, Vita Heinrich-Clauer, Jörg Clauer, Margit Koemeda-Lutz et d’autres sans doute, ont apporté des contributions venant de la théorie de l’attachement, de la psychanalyse relationnelle, des neurosciences, de la théorie polyvagale et d’autres encore, qui revisitent les concepts bioénergétiques à la lumière des dernières recherches et permettent un nouveau regard et une nouvelle compréhension des concepts bioénergétiques. Cela fait en sorte que ces nouvelles idées sur la relation thérapeutique, sur le transfert et le contre-transfert apparaissant, sont considérées comme des interactions dyadiques, somatiques et relationnelles.

Klopstech cite Stark au sujet de cette évolution : « La psychanalyse a beaucoup évolué depuis que Freud a mis l’emphase sur la sexualité et l’agressivité. Les pulsions ou les relations interpersonnelles du patient ne sont plus au centre de l’attention, comme l’était aussi la relation entre les structures dans la psyché. La psychanalyse contemporaine porte plus attention sur la relation intersubjective entre le patient et son thérapeute » (44). Il ne s’agit pas là d’un processus facile pour nous, analystes bio énergéticiens, que d’être ouverts à de nouveaux concepts tout en trouvant une manière de garder nos racines. L’auteure se penche sur les difficultés à intégrer de nouvelles connaissances sans perdre son essence : « Depuis ses débuts, l’Analyse bioénergétique conserve une orientation très théorique puisqu’elle se fonde sur le modèle de la pulsion de l’analyse freudienne classique et sur le modèle d’analyse caractérielle de Reich comme base théorique. Mais elle n’a pas encore intégré de manière adéquate les nouvelles théories analytiques qui se concentrent sur le Soi ou sur les relations d’objet ou d’intersubjectivité. De nombreux auteurs ont fait des tentatives … mais ils n’ont cependant pas encore atteint une masse critique afin de fournir un changement cohérent … dans le combat que nous faisons pour intégrer les concepts psychanalytiques, nous risquons de perdre dans nos efforts, face à notre approche en Analyse bioénergétique, nos plus profondes connexions reliées aux dimensions énergétiques et corporels, et de devenir une école de psychothérapie qui y utiliserait quelques techniques corporelles » (46, 2012).

Cette évolution des connaissances a soulevé un débat dans le domaine du champs thérapeutique au sujet de deux modèles de relations thérapeutiques : le modèle de « psychologie à une seule personne », étant centré sur les dynamiques internes du patient et le modèle de « psychologie à deux personnes », étant centré sur les dimensions relationnelles. Klopstech nous présente les trois modèles de Stark : 1- Le modèle de la personne unique perçoit l’individu en termes intrapsychiques, comme un système fermé avec des pulsions et des défenses internes. Le thérapeute est un observateur sur lequel le transfert du patient est projeté. Le contre-transfert est considéré comme quelque chose qui interfère avec la neutralité du thérapeute et doit être éliminé. Le facteur curatif vient de l’interprétation (analyse classique freudienne). 2- Le modèle à une personne et demi (approche de psychologie du Self et de la relation d’objet) soutient que le patient a besoin d’un thérapeute empathique pour le valider. Le facteur de guérison est l’expérience émotionnelle corrective que le thérapeute lui offre. 3- Le modèle à deux personnes, dont font partie les écoles contemporaines centrées sur l’interaction et la relation, est fondé sur une relation mutuelle où le thérapeute est un participant actif. Le transfert est un processus dyadique et le contre-transfert et une réponse au patient. Le facteur de guérison est relié à une relation authentique. L’auteur conseille aux psychothérapeutes d’être capable d’utiliser les trois modèles, tout dépendant de la situation.

Pour Klopstech, l’Analyse bioénergétique a commencé avec le modèle de la personne seule, le thérapeute travaillant sur les blocages émotionnels puis les reliant à l’enfance du client, et a évolué vers une approche plus orientée vers le relationnel, d’une personne seule à "une personne et demi", le patient se manifestant par son attitude, le thérapeute lui offrant de l’empathie. Actuellement elle s’oriente vers les approches centrées sur deux personnes, la relation thérapeutique étant vue comme un outil central pour guérir le patient. Dans le dernier cas, ce sont deux sujets authentiques qui s’engagent dans la relation, dans le moment présent. Klopstech ajoute que, si les modèles 1 et 2 sont familiers des thérapeutes bio énergéticiens, le modèle 3, quant à lui, constitue un défi important, et elle pense que les thérapeutes auront tendance à choisir le modèle qu'ils connaissent le mieux, en fonction de leur type de personnalité.

Certaines citations de Bob Hilton illustrent bien ce changement relationnel dans le cadre de l’Analyse bioénergétique : « Nos contractions musculaires sont le résultat de nos blessures relationnelles. Elles ne peuvent être « réparées » seulement que dans le cadre d’une relation thérapeutique et aucun effort personnel ou une volonté de « faire tout seul » ne va les aider à les résoudre ni à s’en libérer », Hilton(198, 1984). « Les dynamiques énergétiques du corps et les schémas de soutien étaient considérées auparavant comme étant des manifestations extérieures d’un processus interne. Produire un changement dans la forme et la motilité du corps revenait à modifier la rigidité au niveau des conflits psychiques profonds du client … On partait du principe que la guérison se produisait en relâchant les tensions, et que nous n’avions pas besoin d’être en relation avec la personne pour faciliter cela », Hilton (32, 2000). Selon celui-ci, l’approche bioénergétique classique ne suffisait pas. Ce qui était nécessaire, c’était une véritable, une relation réelle entre le patient et le thérapeute, « deux corps se joignant à la même danse ». Dans ce modèle relationnel, ce qui guérit et produit les changements thérapeutiques ce sont les dynamiques relationnelles à l’intérieur de la dyade thérapeutique. Il ajoute : « j’avais besoin de quelqu’un qui s’engageait dans notre relation, quelqu’un qui pourrait surmonter les tempêtes provoquées par ma rage et ma déception, quelqu’un qui n’avait pas pensé un seul instant que ce qui se produisait dans la thérapie pouvait être résolu, quelqu’un qui était investi sans se soucier du résultat. J’avais besoin de quelqu’un qui se battrait pour moi », Hilton (37, 2000).

La dimension relationnelle et l’intersubjectivité ont tous deux profondément influencé l’Analyse bioénergétique. La vision actuelle est celle de deux corps, deux esprits, et deux systèmes énergétiques, qui sont en inter relation et qui s’influencent l’un et l’autre. D’une part, il se peut que cela devienne un plus grand défi pour l’analyste, puisqu’il peut se sentir plus vulnérable, davantage à découvert et moins protégé. D’autre part, les avantages sont considérables, puisque le thérapeute peut se sentir plus libre d’être lui-même, d’être capable de s’investir dans une relation réelle, où il/elle n’a pas besoin d’être le thérapeute idéal mais un véritable être humain.

3c Les contributions des neurosciences dans le champs psychothérapeutique

La recherche en neuroscience a profondément influencé la compréhension du processus thérapeutique, indépendamment de l’approche. Ces théories fournissent une carte démontrant la plasticité du cerveau et de la manière dont les circuits dans le cerveau peuvent être modifiés par nos émotions, nos croyances et nos relations. Elles confirment la façon dont le cerveau, le corps et le système nerveux sont structurés à travers leurs relations avec l’environnement. Elles ont confirmé la théorie de l’attachement et ont développé une théorie psycho-neurobiologique du développement émotionnel dans l’enfance.

Il s’agit là d’une révolution « émotionnelle » en psychothérapie, qui, dans les années 1960, était orientée vers le behaviorisme et dans les années 1980–1990, vers le cognitivisme. Aujourd’hui, les émotions et les processus somatiques et sensoriels occupent une place centrale. Le cerveau et les connexions émotionnelles sont étudiés de façon minutieuse, ainsi que les différentes fonctions de chaque hémisphère du cerveau. Schore et Siegel ont tous les deux incorporé les principes de l’attachement au fonctionnement du cerveau, et leurs recherches confirment le fait que c’est au travers de la communication émotionnelle que les expériences de l’attachement organisent le cerveau. Le « toi et moi » sont remplacés par le « Nous ». Ces nouvelles théories intègrent le corps dans les processus de changement, ce que les analystes bioénergéticiens savent et appliquent depuis très longtemps. Certains d'entre nous ont intégré des concepts des neurosciences dans leurs travaux et dans leur pratique. Je remercie ces auteurs pour leurs contributions, nous aidant à rester connectés au monde thérapeutique d’aujourd’hui, tout en nous permettant de reconnaître des paradigmes contemporains, de ne pas s’en isoler. J’étais intéressée à comprendre comment ces nouveaux concepts ont influencé les travaux, recherches et écrits de nos analystes bio énergéticiens. Mon objectif est de vous faire "voyager" à travers leurs contributions, qui ont enrichi l’Analyse bioénergétique grâce à des concepts découlant de ces théories.

Klopstech (2008) défend la nécessité de « repenser ce que nous faisons de façon bioénergétique en termes des neurosciences ». Les concepts tels que l’éveil, l’excitation, l’autorégulation, les neurones miroirs, la « fenêtre de tolérance », ou l’harmonisation somatique, et autres sujets, ont été développés et intégrés, affectant la compréhension du processus thérapeutique. D’autres concepts tels que le transfert, l’enracinement, la catharsis, la charge énergétique, pour ne citer que ceux-ci, sont revisités, ce qui élargit notre compréhension de ces termes.

Les concepts de Daniel Siegel

Les contributions de Siegel et Schore sont remarquables afin de permettre une nouvelle compréhension des dynamiques reliées à la relation thérapeutique. Daniel Siegel, lorsqu’il était résident en psychiatrie, mécontent des traitements psychiatriques conventionnels, s’était rendu à une conférence donnée par Mary Main, chercheuse sur thème de l’attachement, qui a eu un impact très grand chez celui-ci. Cette rencontre éveilla en lui une curiosité immense concernant les manières dont l’attachement affecte la neurobiologie humaine et comment cela pourrait contribuer à l’intégration neuronale. Dans son approche qu'il nomme la neurobiologie interpersonnelle, il développé son point de vue sur la manière dont les relations façonnent notre cerveau, comment notre cerveau peut être modifié et les manières dont cela affecte directement la relation thérapeutique. Dans ce système neurobiologique, l’émotion devient l’élément central, et c’est à travers de la communication des émotions que les expériences d’attachement organisent le cerveau chez le nourrisson. C’est grâce aux émotions et expériences partagées entre le patient et le thérapeute que de nouveaux réseaux neuronaux sont structurés. Cela a pour résultat que le thérapeute et le patient peuvent également tous deux être transformés.

Il développe un nouveau concept de l’esprit, un esprit qui est à la fois incarné dans le corps et relationnel. L’esprit est considéré comme un concept complexe qui intègre à la fois des processus interpersonnels et corporels, en y intégrant le fonctionnement du cerveau. Le processus nommé « esprit » est situé dans nos corps, le cerveau et dans nos relations. Dans sa théorie, un esprit incarné est un esprit qui s’occupe non seulement de ce qui se passe dans notre tête, mais aussi ce qui se passe dans notre corps tout entier. L’esprit est relationnel, car nous vivons à travers nos relations, et nos connexions avec les autres façonnent nos processus mentaux et émotionnels. Il s’agit d’un esprit qui émerge grâce au contact avec d’autres esprits.

Il est intéressant de noter que Siegel parle d’énergie. Il dit : « il existe un flux d’énergie, et la manière dont cette énergie circule dans nos vies façonne nos expériences mentales et émotionnelles. L’information constitue un flux d’énergie structuré d’une certaine manière, et l’esprit est le processus émotionnel et corporel qui régulent ce flux d’énergie et d’information ». Selon cet auteur, nos corps séparés se connectent à mesure que l’énergie circule de vous (vous me souriez) à moi (je reçois ce sourire). L’intimité serait une sorte de résonance entre deux systèmes interactifs. Le cerveau est un processus social et les émotions sont, en réalité, son langage fondamental. L’intégration des différentes parties est un concept clé dans sa théorie, puisque de l’intégration émerge la cohérence et l’harmonie. Quand l’intégration est perturbée, le chaos et la rigidité s’en suivent.

Selon cet auteur, l’approche clinique spécifique utilisée devient moins importante que l’harmonisation du thérapeute. L’ajustement devient un mot-clé à mesure que l’interaction inconscience, intuitive et émotionnelle devient plus importante que l’interaction verbale, et que les représentations réparatrices des expériences de la petite enfance, construites conjointement par le thérapeute et le client, deviennent essentielles pour la guérison. Dans cette approche, le thérapeute a besoin d’accéder au cerveau droit, afin de ressentir pleinement les sentiments de son client et les siens qui lui sont propres. Le thérapeute doit garder une connexion du cerveau droit à cerveau droit, afin de créer une harmonisation empathique, mais aussi une connexion du cerveau gauche à cerveau gauche, le côté plus rationnel, afin de donner du sens à ce qui est ressenti. David J. Wallin, psychanalyste d’approche relationnelle, parle de la « vision binoculaire » nécessaire pour le thérapeute qui s’engage dans une communication éventuelle avec le patient, et en même temps, doit être en contact avec ses propres états intérieurs, afin d’établir de nouveaux réseaux de connexions dans le cerveau du patient et améliorer sa capacité d’autorégulation. Pour nous qui travaillons avec le corps, il s’agit là de bonnes nouvelles. Nous pouvons nous harmoniser physiquement avec nos patients, au travers de nos indices somatiques et émotionnels, ainsi que déchiffrer les indices somatiques et sensoriels de nos clients et y répondre. Siegel créa le concept de « fenêtre de tolérance », différente pour chaque patient, qui fait référence à l’intensité des émotions et la charge émotionnelle que le patient peut supporter sans être déréglé.

Les concepts d’Allan Schore

Pour le neuro psychanalyste Allan Schore, la connexion thérapeutique se produit au travers un « inconscient relationnel », où les deux inconscients, celui du thérapeute et du patient, communiquent. Avoir de l’empathie ne signifie pas seulement aider à ce que le patient se sente mieux, cela signifie créer un état d’activation neuronal. Il fut le premier à faire le lien entre le cerveau droit, relié aux émotions, et les connections au cerveau droit, que l'on rencontre dans les dyades de l’enfance ou dans celles du thérapeute et son patient. Schore considère l'émotion comme un point central et parle d’une « révolution émotionnelle » dans le domaine psychothérapeutique. L’Analyse bioénergétique a clairement inclus le travail sur les émotions depuis ses tout débuts, mais nous savons que ce n’est pas le cas pour de nombreuses approches psychothérapeutiques. La contribution la plus pertinente d’Allan Schore est son intégration des modèles biologiques et psychologiques, en développant une théorie du développement émotionnel et de l’autorégulation durant l’enfance qui peut être appliquée à la psychothérapie avec des adultes. Ses recherches sur la régulation émotionnelle ont eu un impact profond sur la compréhension de la relation thérapeutique. Les contributions d’Allan Schore ont influencé de nombreux domaines, tels que les neurosciences affectives et la théorie du traumatisme. Ainsi, ses recherches se sont penchées sur les effets des traumatismes précoces sur le développement du cerveau, et, comme je l’ai dit, il nous a offert une compréhension profonde de la neurobiologie de l’attachement, ce qui a profondément marqué le champ de la psychothérapie.

L’impact des recherches en neurosciences sur le travail en Analyse bioénergétique

Avec cette nouvelle perspective, le corps et l’esprit sont réunis, l’esprit étant un système complexe qui intègre le corps. Nous ne devons plus « sortir de notre tête », mais l’intégrer dans le corps. « À présent, il est temps de se concentrer sur le corps qui vit dans notre esprit … nous ne sommes plus un esprit contre le corps, mais l’esprit et le corps fonctionnent ensemble, comme un système relié complexe qui transfère des informations, en traitant les états somatiques, et les évènements de nature verbales et cognitives » (Resneck-Sannes, 2005).

Bob Lewis a écrit énormément sur la problématique reliée au le choc céphalique. « En analyse bio énergétique classique, dans ses débuts, la tête, le cerveau et l’esprit étaient considérés comme des éléments bloquant nos expériences les plus profondes et vitales. La psychothérapie était structurée pour « sortir » de la tête et « entrer » dans son corps. En 1976, j’ai apporté un changement de paradigme en analyse bio énergétique, un changement qui considère la tête et l’esprit, et le cerveau comme étant d’importance égale au corps » (Lewis, 2012).

Klopstech démontre que les recherches de Schore mettent en lumière le rôle des émotions dans les processus de changement, ainsi que le rôle prépondérant des relations interpersonnelles, dans le but de façonner les processus neuronaux et les capacités d’autorégulation. Selon Schore, une connexion thérapeutique se produit par un « inconscient relationnel », qui , en réalité, regroupe tous les processus passant d’un cerveau droit, celui du client, à l’autre cerveau droit, celui du thérapeute. Grâce à ses recherches portant sur l'autorégulation des états émotionnels, il fait la lumière sur ces processus relationnels implicites. « La relation thérapeutique peut modifier le système structurel interne du cerveau du patient qui, consciemment et inconsciemment, traite et régule les informations externes et internes. De cette façon, cette relation ne réduit pas seulement les symptômes négatifs du patient mais augmente également ses capacités d’adaptation » (Schore, cité par Klopstech, 2005).

Pour nous, thérapeutes bio énergéticiens, cela confirme ce que nous savions déjà de façon intuitive, à savoir qu’il existe une résonance somatique qui se développe à partir des interactions entre les hémisphères droits du thérapeute et du patient, et principalement de façon inconsciente. Schore a mis en application ses recherches, dans la relation parent à enfant, sur la communication de cerveau droit à cerveau droit, et transféré ces résultats au processus psychothérapeutique. Nous savons aujourd’hui que la communication émotionnelle et corporelle sont des processus de communication du "cerveau droit au cerveau droit", et cela nous amène à comprendre que ce qui est le plus curatif dans le processus thérapeutique. Resneck-Sannes (2002) expose ces contributions de Schore et se penche également sur l’influence cruciale que ces découvertes ont eu sur la compréhension de la relation thérapeutique. « Les expériences d’attachement précoces sont encodées dans le cerveau droit. Elles demeurent là, non symbolisés, et sont disponibles au travers de la communication corporelle dans la relation … La mère et l’enfant construisent ensemble une relation corps à corps et l’esprit se développe dans cette matrice relationnelle. La structure peut être endommagée s’il n’y a pas de résonance empathique appropriée de la part de la mère. Selon Schore, la clé de l’attachement est le processus d’autorégulation entre la mère et l’enfant » (Resneck-Sannes, 111).

La théorie de l’autorégulation de Schore souligne l’importance des expériences non verbales, et la capacité d’une relation thérapeutique, entre le patient et le thérapeute, dans le but de réguler les affects. Exactement comme cela se passe entre la mère et le bébé, et le thérapeute, qui à travers le lien thérapeutique, aide à réguler les états émotionnels perturbés du patient. « La recherche empirique qui porte sur les interactions entre le parent qui prends soin de son enfant, remet en question la notion selon laquelle un thérapeute est séparé de son client. Cela signifie qu'on peut fournir, grâce à l’interprétation du langage corporel, ldes interventions thérapeutiques utiles et nécessaires, en déchiffrant les fonctions figées. À la naissance, nous sommes dans une matrice relationnelle, et la thérapie consiste, en partie,en l’influence mutuelle des corps du client et du thérapeute » (Resneck-Sannes, 112).

Les recherches portant sur le rôle significatif des émotions dans les changements thérapeutiques furent considérables ces dernières années et enclenchèrent une véritable révolution dans le domaine psychothérapeutique, bien que cet aspect ait toujours été bien connu des analystes bio énergéticiens. Nous avons toujours reconnu la puissance de l’expression émotionnelle et de sa régulation impliquées dans les processus de changement. Cependant, les émotions occupent à présent un rôle central dans le changement thérapeutique, comme jamais auparavant dans l’histoire de la psychothérapie. Maintenant, il y a des preuves scientifiques évidentes qui montrent le lien important entre l’éveil émotionnel et la profondeur de ce qui peut être vécu. Ces recherches expliquent comment ces deux éléments sont reliés au résultat thérapeutique. Le rôle de la catharsis est revisité et redéfini, et l’impact d’expériences affectives intenses est validée. « le changement thérapeutique est la conséquence d’une exposition à des capacités maximales du cortex cérébral en lien avec des expériences affectives intenses. » (Resneck-Sannes, 39, 2005)

« Une expérience affective profonde et authentique, ainsi que sa régulation, à travers des échanges émotionnels coordonnés, ajustés, entre le patient et le thérapeute, sont considérés comme des agents transformationnels essentiels » (Diana Fosha citée par Klopstech, 120). Klopstech se penche sur le concept de « régulation des deux hémisphères » de Schore. Il estime que la régulation est considérée comme un processus d’interaction. Elle considère ce processus pertinent pour la communication non verbale, de corps à corps, entre le thérapeute et le patient, laquelle est considérée comme l’essence même de notre façon de travailler.

Schore fait également la différence entre un mode interactif, de personne à personne, et un mode non interactif, intra-personnel, en mettant l’accent sur le fait qu’une bonne psychothérapie doit combiner ces deux modes de fonctionnement. « La théorie de régulation de Schore propose que les mécanismes implicites se trouvent au cœur même des processus de changements importants. Les « mécanismes implicites » signifient que « l’harmonisation limbique » entre le patient et le thérapeute et les interactions émotionnelles et corporelles qui surviennent, sont de nature inconscientes » (Ibid. 121).

Les concepts bio énergétiques de niveau d’éveil et de charge énergétique sont redéfinis à la lumière de ces nouvelles contributions. Nous savons maintenant qu’un certain niveau de stimulation est nécessaire pour la restructuration neuronale dans le cerveau limbique. Greenberg, analyste d’approche relationnelle, croit que l’intensité de la charge, son expression et la réflexion sont des agents cruciaux de changement. Siegel définit une « fenêtre de tolérance » comme le cadre optimal qui permet l’éveil afin de traiter le matériel émotionnel. Cette fenêtre de tolérance peut varier d’une personne à l’autre, mais les thérapeutes doivent pouvoir trouver laquelle est la meilleure pour chaque patient. Un patient se sentira perturbé si ce qu’il ressent ou ce dont il fait l’expérience est en dehors de sa « fenêtre de tolérance ».

Klopstech explique que les neurosciences prouvent que la charge émotionnelle qu’un patient, une patiente, peut supporter, dépend non seulement de sa structure caractérielle, son type de personnalité, mais aussi de la façon dont le thérapeute établit la relation avec le patient, dans ce contexte précis. Grâce à nos connaissances concernant la lecture du langage corporel et celle de la structure du caractère, nous, analystes bio énergéticiens, en savons davantage dans le domaine de la régulation à l’intérieur de la fenêtre de tolérance thérapeutique. Nous savons comment créer des stimulations faibles et intenses, et comment travailler avec celles-ci. Sous cet angle, enraciner un patient pourrait signifier, amener le patient, la patiente, dans sa fenêtre de tolérance. Klopstech est en faveur de l'utilisation des cadres de référence reliées aux recherches en neurosciences et dans les approches relationnelles dans le cadre de notre tavail en psychothérapie. « Pouvoir utiliser différents cadres m’a rendue plus efficace en tant que thérapeute » (Ibid. 122).

3d Le rôle de l’empathie et de l’harmonisation somatique dans le cadre de la relation thérapeutique

Cette nouvelle compréhension, apportée par les neurosciences, redéfinit certains aspects clés de la relation thérapeutique. Maintenant nous savons que les processus relationnels sont au cœur de la guérison. L’empathie et l’harmonisation sont devenues des concepts essentiels, au même titre que l’importance de savoir ce que nous ressentons quand nous sommes communiquons avec nos patients, et de quelle manière leurs états émotionnels influencent notre corps et vice versa. Resneck-Sannes déclare que, dans les interventions corporelles classiques, l’empathie, l’harmonisation et la congruence étaient absentes, et il a été prouvé à quel point elles sont cruciales. Elle donne un aperçu de l’importance de l’empathie et de l’harmonisation dans les processus thérapeutiques, ainsi que de la tâche de régulation émotionnelle du thérapeute. « Un thérapeute empathique n’est ni sous- stimulant, (en étant trop distant, neutre, ou absent), ni trop stimulant, (en ne régulant pas le matériel apporté afin de prévenir que le client ne tombe pas dans des états où il se sent envahi, dissocié ou en rupture) » (Resneck-Sannes, 48, 2005). « Cela fait des années que les recherches démontrent ce que les clients nous disent, à savoir que ce n’est ni l’introspection, ni les interventions corporelles qui les soignent en elles-mêmes. Je ne dis pas que nos interventions sur le corps devraient être écartées. Bien au contraire, elles doivent se dérouler dans un contexte d’harmonisation, dans le cadre d’une relation empathique. Cela signifie que le thérapeute ne soit plus séparé du client, et qu’il entre maintenant dans son cabinet en tant qu’être humain » (Ibid. 49).

Ce qui compte vraiment, maintenant, ce sont les aptitudes du thérapeute à s’engager dans une relation vraie, empathique et harmonisée avec son client, sa cliente. Il s’agit là d’un changement de rôles assez important, comme nous l’avons déjà expliqué. La relation psychothérapeutique est considérée comme un processus régulateur partagé d’un développement mutuel, où chaque élément est influencé et transformé par l’autre. La vision de ce qu’est la guérison a profondément changé. « La guérison qui s’installe est rendu possible grâce à la capacité du thérapeute à lire les signaux somatiques et sensoriels de son client et à lui fournir en retour la communication somatique et sensorielle convenable ». L’hémisphère droit du thérapeute décode les stimuli émotionnels et répond de manière empathique. Cela permet au clinicien, harmonisé d'une façon psychobiologique, d’agir en tant que régulateur interactif des états internes perturbés du patient. Le thérapeute ne lit pas seulement le comportement visible et ses formes externes, mais, comme une « mère suffisamment bonne », est douée pour déchiffrer les états internes du patient. Il, elle, se sert de son propre processus somatique et sensoriel pour être conscient(e) des états du patient et l’aider à cheminer dans ces états intérieurs » (Ibid., 115).

Jörg Clauer conçoit l’empathie comme étant un processus de résonance énergétique et émotionnelle. « Les schémas des sensations et des postures peuvent être également utilisés dans le cadre du traitement psychothérapeutique, grâce aux processus de résonance physique de l’empathie et de contre-transfert vécu dans le corps. Je comprends l’empathie en termes de sensibilité envers l’autre personne, ainsi que de la capacité la ressentir, comme un processus de vibration physique conjointe, ou comme une entrée en résonance avec la réalité non consciente et les sentiments d’une autre personne » (Clauer, 84).

Les neurones miroirs

Lewis reprend les termes « connaissance relationnelle implicite » de Lyons-Ruth afin de décrire ce qui se passe dans le processus empathique, un processus inconscient en bonne partie. .Des concepts tels que les « réseaux de neurones miroirs » nous aident à comprendre les phénomènes d’empathie et de résonance corporelle en tant qu’éléments essentiels des processus de transfert et contre-transfert, qui sont de nature somatiques. Le système des neurones miroirs nous permet de « lire » l’esprit des autres au travers de signes non verbaux. Nous percevons un état émotionnel chez une autre personne et la même émotion se met à s’activer chez nous. Ce type de neurones sont pris en considération par certains auteurs bio énergéticiens.

« Les neurones miroirs sont nécessaire à notre harmonisation, mais il se peut qu’ils ne suffisent pas. Ils peuvent nous aider à voir au travers des miroirs de l’âme, les yeux, de l’esprit de nos clients, mais nous devons également être capable de pouvoir tolérer ce que nous y voyons dans leurs miroirs. Qu’est-ce que ces neurones soutiennent dans notre « connaissance relationnelle implicite » ? … ils nous aident à écouter ce qui nous vient intuitivement en images fugaces, en sensations physiques ou en phrases. J’appelle cela « écouter avec le système limbique » … j’ai appris à calmer mon esprit et à écouter mes mains. Elle savaient, assez souvent, où et comment je devrais toucher mes patients, avant que je ne le fasse moi-même » (Lewis, 2012, 121). « Les neurones miroirs recréent l’expérience des autres en nous, nous permettant de nous mettre à la place de l’autre, et ainsi, ressentir de l’empathie. Ils sont situés dans le cortex pré-moteur et sont connectés au système limbique, région émotionnelle du cerveau. Lorsque mes neurones miroirs s’embrasent en réaction à mon patient, ils déclenchent en moi des émotions empathiques ou une résonance limbique » (Klopstech, 2008, 131).

Lewis (2005) : à propos de l’empathie, de la mémoire implicite et explicite

Lewis considère le corps du thérapeute comme un instrument crucial pour le changement thérapeutique. Selon celui-ci, nous sommes empathiques lorsque nous répondons aux besoins du patient et lorsque nous recevons les identifications projectives de nos clients. Lewis parle ici de deux modes de connaissances, l’un implicite et l’autre explicite, qui prennent chacun un réseau neuronal différent. Nous savons que la mémoire implicite est la mémoire émotionnelle et procédurale, hors de la conscience, alors que la mémoire explicite regroupe des informations conscientes et organisées.

Il propose une vision de la psychothérapie caractérisée par un système dyadique, non linéaire, où chaque membre de la dyade s’autorégule et régule simultanément l’interaction. Il cite Fogel : « Dans un modèle composé de systèmes, tout comportement se produit simultanément chez l’individu, pendant qu’en même temps, chacun se modifie tout en étant modifié par les changements de comportement du partenaire » (Lewis, 11). Pour Lewis, le corps du thérapeute est un outil essentiel. « Nous sommes nous-mêmes les instruments uniques qui s’harmonisent à la psyché et au soma de l’autre. » Il cite Schore : « Le thérapeute, intuitif, en harmonie, depuis qu’il a pris contact et ce, au tout début du traitement, apprend, petit à petit, les structures rythmiques du patient et il modifie son comportement, d’une manière relativement flexible et fluide, afin de s’adapter à cette structure » (Ibid., 17). Lewis estime que la preuve évidente, découlant de la recherche en neurologie, est qu’on peut accéder implicitement aux expériences traumatiques vécues au cours des premières années de la vie, par des interventions au niveau corporel. Dans plusieurs écrits, il met l’accent sur le fait que nous ne devons pas oublier que nous sommes des guérisseurs blessés et que, comment à partir de cette blessure fondamentale, nous tirons des limites et des forces dans notre capacité empathique avec nos patients.

En tant que thérapeutes corporels, nous avons reçu de la formation nous permettant d’être conscients de nos processus corporels internes. Nous sommes conscients de nos tensions musculaires, et nos signaux somatiques qui nous montrent ce qui se passe dans notre corps mais également dans celui de nos clients. Dans le cadre du processus thérapeutique, il y aura des moments d’harmonisation, des moments d’impasse, des moments de déconnexion et des ruptures, mais le plus important, c’est la réparation. Si nous pouvons réparer les ponts brisés grâce à l’empathie et à l’harmonisation, le processus s’en ira dans la bonne direction. Schore utilise le concept d’interruption et de réparation, ce qui est un concept très important en psychothérapie, mais également dans toutes les relations interpersonnelles. « Les pauses dans le processus d’attachement activent le système limbique du thérapeute, ce qui produit alors une résonance somatique et sensorielle dans son corps. Les thérapeutes, qui sont formés d’un point de vue somatique, apprennent à porter attention aux informations émanant de leur propre corps et à utiliser ces données pour examiner les qualités relationnelles d’engagement et de désengagement qui se déroulent au sein de la thérapie » (Resneck-Sannes, 116).

Tom Warnecke, thérapeute d’approche corporelle, nous fournit une description du processus complexe des transferts somatiques, phénomènes qui font partie d’un continuum allant de l’empathie et de l’harmonisation aux processus intersubjectifs, aux problèmes de reconstitutions et des questions de transfert, à l’autre bout du continuum : « Deux personnes se rencontrent dans deux systèmes moteurs sensoriels, et deux systèmes nerveux autonomes qui commencent à se répondre, à s’identifier l’un à l’autre et à interagir. Le transfert somatique est facilité par la résonance limbique et par l’habileté de notre système moteur et sensoriel à ressentir les mouvements, les postures, et les états affectifs qui sont observés chez les autres. Les neurones miroirs font partie d’un système de résonance en action qui suscite des représentations neuronales motrices par l’observation du mouvement (Pineda). L’imitation est un processus préréflexif, intuitif et spontané. La résonance kinesthésique et limbique nous permet de ressentir avec les autres, d’évaluer leurs intentions, et poser les bases pour les phénomènes interpersonnels comme l’empathie, la résonance, la synchronisation corporelle et le transfert » (Warnecke, 234).

4 Les implications pour la psychothérapie

Les expériences émotionnelles somatiques et sensorielles du patient et celles du thérapeute se rejoignent et s’influencent dans ce champ intersubjectif. Le corps du thérapeute devient un outil central qui résonne aux états internes du patient. Resneck-Sannes explique ce changement en analyse bio énergétique. « L’attention est déplacée du client ayant un caractère pathologique à l’influence exercée mutuellement, entre le client et le thérapeute, sur les états de stimulations physiologiques, leur désir de contact et d’intimité, ainsi que d’une régulation mutuelle. Cela confirme notre expérience démontrant: qu'au lieu d’être un observateur neutre qui peut lire des fonctions figées, deux corps sont ensemble dans la pièce, et qui, par le toucher, des regards mutuels et des mots, installent une situation permettant une résonance. Les résultats des recherches portant chez l’enfant montrent que notre attention peut être dirigée vers nos états somatiques internes … Le thérapeute est présent à sa propre expérience somatique et utilise cette information pour comprendre ce qui se passe d’un point de vue interpersonnel » (Resneck-Sannes, 116).

Bob Hilton explique en détail ce déplacement de l’idée initiale selon laquelle le corps se soigne lui-même si les tensions sont relâchées et les émotions sont exprimées grâce aux mouvements physiques, à l’idée, qui n’exclut cependant pas la première, selon laquelle, les dynamiques relationnelles entre le thérapeute et le client sont des aspects cruciaux du processus de guérison. « Le thérapeute et le client finissent par créer une relation de Je et Tu, dans laquelle chacun d’entre eux apprend et se modifie lui-même, tout en étant influencé par l’autre. Dans ce processus, le thérapeute tente constamment d’intégrer les besoins du Soi interpersonnel du client, en tenant compte de ses limites, afin de répondre à ces besoins. Comme le thérapeute accompagne le patient dans son retour aux sources des échecs dans ses interactions, il doit connaître et comprendre ses propres échecs relationnels et les solutions qu’elle y a recherchées. Cette interaction dynamique, et tout ce qui y est sous-entendu, devient le processus de guérison pour les deux, le thérapeute comme le client » (Hilton, 42, 2000).

Cette nouvelle façon de faire apporte un changement considérable du rôle du thérapeute, puisque ce qui importe réellement est sa capacité à s’harmoniser aux mouvements corporels et émotionnels du client, et sa capacité à être empathique, puis d’y répondre. Resneck-Sannes décrit ce changement ainsi : « La théorie de l’attachement nous a montré que ce qui comptait le plus était en fait la capacité d’harmonisation émotionnelle du thérapeute, sa capacité à écouter, voir et sentir les signes verbaux et non verbaux chez son client, de manière à ce que le client se sente réellement perçu et compris. L’harmonisation, ou la « communication contingente » comme Siegel la nomme, est une "danse interpersonnelle" très complexe entre deux systèmes » (Resneck-Sannes, 45).

L’harmonisation somatique, nécessaire pour que se produise le mécanisme d’attachement chez l’enfant, est nécessaire également pour tout processus thérapeutique, et devient un concept clé. Le rôle de guérisseur, dans le cadre de la relation psychothérapique, se retrouve en avant scène, et une grande partie de ce rôle est un processus inconscient. La connexion thérapeutique prend place dans « l’inconscient relationnel » de Schore. À partir de cette nouvelle perspective, le rôle du thérapeute évolue profondément. « Le thérapeute a besoin de s’ajuster afin que le matériel apporté par le client soit contenu dans la « fenêtre thérapeutique ». Nous sommes alors en miroir avec l’autre, qui s’identifie, qui s’harmonise. Le psychothérapeute "habitera" graduellement le corps et l’esprit de son client, pouvant ainsi l'aider dans sa vulnérabilité, ses besoins, ses peurs et sa colère » (Ibid. 48). L’harmonisation somatique devient cruciale pour traiter le matériel émotionnel. « Notre connaissance de la respiration, de l’enracinement, des façons de créer des frontières somatiques et énergétiques et de comment contenir l’affect, nous permettent d’être sensible également au fait d'aider le client à ne pas se sentir envahi par nous … les interventions corporelles sont nécessaire mais pas suffisantes pour parvenir à la guérison, elles doivent se dérouler dans le contexte d’une relation harmonisée et empathique ».

5 Une nouvelle conception du corps : Le corps relationnel

Klopstech (2009) nous apporte une vue d’ensemble historique intéressante sur la question de la place du corps en psychothérapie. De Freud qui privilégiait plus le langage que le corps, à Reich qui a développé un modèle d’interaction corps/esprit, modèle qui fut approfondi par Lowen, comment les nouveaux paradigmes modifient-ils la vision que nous avions du corps ?

Finalement, le corps « entre en scène » dans le domaine de la psychothérapie, grâce au rôle essentiel que prennent les émotions dans le nouveau paradigme, le corps étant le dépôt des émotions. Le paradigme des théories relationnelles et neurobiologiques ont également influencé la perception que nous avions du corps en Analyse bioénergétique. Ce n’est plus seulement un corps qui doit être analysé, mais deux corps liés dans une « danse » créée conjointement, dans laquelle deux subjectivités se rencontrent et s’influencent. « En plus de l’attention habituelle portée sur les dimensions caractérologiques du corps, de la personnalité, sur le plan défensif et adaptatif, on se concentre aussi, et de manière égale, sur l’expérience vécue sur le plan corporel dans le cadre de l’interaction immédiate au sein de la dyade thérapeutique. Le corps « en action » dans l’interaction, dans le moment présent, les corps du patient et du thérapeute qui communiquent et interagissent au cœur de la dyade thérapeutique » (Klopstech, 19).

Le concept du « corps en relation » prend de l’expansion dans ce contexte. L’intersubjectivité ne concerne pas seulement deux esprits, mais aussi deux corps. Siegel et Schore soulignent le rôle des émotions, et grâce à cela, le corps qui exprime ces émotions en vient à occuper une place centrale. Il ne s’agit plus d’un corps seul, mais d’un corps dans une relation. Klopstech exprime clairement le changement dans notre perception du corps : « En psychothérapie actuellement, le corps doit inclure des dimensions physiques et objectives, en se référant à son aspect dynamique sur le plan émotionnel et énergétique, son histoire et sa structure de personnalité. Mais il a besoin également d’être observé, parallèlement, à ses dimensions subjectives et intersubjectives, ce qui permet la communication, une relation dynamique, et ce qu’il représente mentalement. Il faut également laisser de l’espace pour le corps interactionnel, soit celui qui est en action et en interaction. La complexité de ce corps multiple est impressionnante, et nous devons sélectionner celui qui constitue notre zone de confort » (Ibid. 20)

Alors que le corps prend plus de place dans l’espace thérapeutique, Resneck-Sannes nous apporte une réflexion utile sur les limites de la recherche en neuroscience. Les neurosciences ont beaucoup étudié les contacts en face à face et regard à regard, mais ont porté peu d’attention sur le soutien ou le toucher. Au contraire, l’emphase est mise sur les interactions d’esprit à esprit, et peu d’importance est accordée à ce qui se passe en dessous de la tête. L’article récent (2016) de Vincentia Schroeter, dans lequel elle explore les techniques utilisées en Analyse bioénergétique d’un point de vue neuroscientifique, où le corps tout entier travaille en relation avec le système nerveux, est une contribution importante pour le domaine bioénergétique. « Depuis que l’emphase a été mise sur l’éloignement de l’organisme des processus défensifs et destructeurs, et sur son accompagnement vers des processus émotionnels sains, c’est la théorie polyvagale qui nous éclaire sur les rouages internes du système nerveux, d’une manière qui nous aide à comprendre plus profondément les mécanismes de défense et de la communication émotionnelle saine, d’un point de vue corporel » (Schroeter, 12).

Koemeda-Lutz (2012) synthétise bien la complexité de notre moment présent, à la fois compliqué, excitant et stimulant : « Intégrer le cerveau et le corps signifie percevoir nos clients et les interactions avec ceux-ci à différents niveaux, dont la plupart son hors de portée de notre conscience. Il y a des changements biochimiques, cellulaires, comportementaux et psychologiques impliqués dans chacun des organismes participants. Aucun de ces niveaux n’est plus essentiel qu’un autre. Les processus présents à chacun de ces niveaux s’influencent les uns les autres, de bas en haut et de haut en bas, et évoluent de manière parallèle dans le temps. La plupart des perceptions sont traitées inconsciemment, et notre système nerveux initie ou provoque de nombreuses réactions psychiques et somatiques sans que nous en soyons conscients » (64).

6 Vignettes cliniques

Ces deux courtes vignettes, extraites de différentes sessions thérapeutiques, illustrent certains de ces nouveaux concepts en action.

Vignette numéro 1

L. arrive, excitée et folle de joie, à l’idée d’aller rendre visite à son nouveau petit ami qui vit dans une autre ville. Son visage et son corps ont l’air plein de vie. Je ressens une sensation de chaleur et un sentiment de joie dans ma poitrine, une harmonisation empathique, comme si cette nouvelle relation est le résultat positif d’un processus profond qui a eu pour but de soigner une blessure infligée par un père abusif. Elle se sent heureuse après avoir vécu une longue période sombre dans sa vie. Nous partageons ensemble sa vivacité, et j’essaie de l’aider à ce qu’elle s’enracine dans son corps, en lien avec ce qu’elle ressent, lui demandant de sentir ses pieds et ses jambes, et prendre conscience de sa respiration dans sa poitrine jusqu’à son bassin. Puis nous respirons ensemble et partageons ce moment de pur bonheur.

Lors de la séance suivante, elle raconte que la rencontre avec son nouveau petit ami s’était bien déroulée Mais elle arrive anxieuse et effrayée. Elle a l’impression que ses émotions sont trop intenses. Elle a peur d’ouvrir son cœur et alors de se sentir blessée à nouveau. Cela provoque de l’anxiété, ainsi que la peur de ne pas être capable de soutenir toute cette intensité sans se sentir perdue. Je ressens sa nervosité dans ma poitrine, et intuitivement, je sens que travailler avec la respiration et le contact l’aidera à s’enraciner et contenir cet état perturbé afin de parvenir à un endroit intérieur plus régulé, plus stabilisant. Nous avons construit une bonne alliance thérapeutique. J’essaie d’être en contact avec mes mots et je lui propose un contact physique de son pied sur le mien pendant qu’elle respire. Elle accepte et, peu à peu, sa respiration devient plus profonde et calme, et elle retrouve la possession d’elle-même qu’elle avait perdue. Elle part, se sentant plus détendue, et comprenant ce qui a provoqué le fait qu’elle se soit sentie perturbée. Moi, je ressens un soulagement et mon dos se détendre.

Vignette numéro 2

N. reste hiératique, d’une raideur solennelle, au niveau de son visage et de son corps, et il garde ses yeux immobiles sont fixés sur moi. Lorsqu’il parle, ses joues et sa bouche sont presque figées, ses yeux sont plissés, hiératiques et fixes. Souvent, au début de la séance, j’ai une sensation gênante, une tension dans ma poitrine et le sentiment d’être envahie par son regard pénétrant, qui me perturbe d’ailleurs souvent. Sa voix est monotone, plate, sans émotion perceptible. Je ne le considère pas comme un client facile, et j’ai souvent des tensions dans le dos parce que je ne me sens pas complètement en sécurité. D’une manière ou d’une autre je dois rester sur la défensive. Mon contre-transfert somatique est facilement activé. Je peux rapidement passer de l’empathie à l’irritation. Il m’arrive plusieurs fois d’avoir des mouvements physiques qui sont mécaniques et pas toujours utiles. Parfois, je rêve de le secouer, alors qu’il m’emmène dans une partie à l’intérieur de moi-même où je me sens impuissante. Cela correspond à la même incapacité qu’il ressent, incapable de faire quelque chose dans sa vie, vers une direction différente et vers un mouvement où il sentirait plus son corps, durant la séance de psychothérapie. Il ressent une insatisfaction permanence dans sa vie, dans son travail, dans sa relation ave les autres, et, visiblement, dans sa thérapie avec moi. Il est incapable de faire quoi que ce soit dans sa vie qui le mènerait vers un état plus satisfaisant, et, parfois, je me sens coincée dans son immobilité en termes contre-transférentiels. Ce n’est pas une tâche facile que de créer un lien mutuel, ce processus constituant même un vrai défi. Lorsque nous nous bougeons dans ce qui est souvent une « danse dysharmonique », lorsque nous sommes un peu plus proche l’un de l’autre, il devient alors moins tendu et plus ouvert. Puis ce moment est suivi d’une rupture ; il se retire du contact, ce qui nous éloigne. Je le sens distant. Je n’ai pas encore trouvé comment créer un pont vers cette poitrine recouverte d’une « armure d’acier ». Il est rare qu’il ressente ou exprime une émotion et souvent il se retourne dans la « forteresse » de son esprit. Néanmoins, nous essayons tous les deux de continuer, malgré la complexité de la situation. Parfois, je me sens un peu plus proche, je respire et je me détends un peu, mais à d’autres moments, je suis incapable d’entrer en contact avec lui, ou de trouver même une minuscule fissure pour tenter de m’infiltrer dans sa forteresse. Je me sers de mon harmonisation somatique, d’une attitude empathique envers une dimension cachée de celui-ci: ce petit garçon qui a été en état de choc, qui a vu son père menacer sa mère avec un fusil. Puis avec mes yeux, ma voix douce et calme, ma posture corporelle, j’essaie de lui envoyer le message qu’il est dans un endroit sûr et que je n’essaie pas de le blesser à mesure que nous avançons, nous nous approchons l'un de l'autre.

Ces deux vignettes sont de petits exemples de la manière dont les processus corporels de transfert et de contre-transfert interagissent, comment les ponts peuvent se construire, être détruits ou endommagés, et, plus important encore, comment nous, thérapeutes, utilisons notre harmonisation somatique et empathique dans nos tentatives de réparation de ces ponts brisés.

7 Conclusion

Nous avons fait longue route, et le voyage n’est pas terminé. La vision bioénergétique de la relation thérapeutique et de ses processus de transfert et de contre-transfert ont été transformés et approfondis sous l’influence de ces nouveaux concepts et de nouvelles théories, sans que nous ne perdions ce qui nous définit. Nous ne pouvons plus voir le patient uniquement comme un système énergétique qui doit être libéré de ses blocages. Nous savons que les blocages physiques sont la manifestation d’émotions refoulées, et nous considérons qu’il est crucial d’intervenir à ce niveau, mais la façon dont nous le faisons a changé. Grâce à cette nouvelle perspective, nous ne voyons plus le patient comme un système énergétique isolé, mais nous considérons le patient et le thérapeute engagés dans un système somatique et sensoriel, intersubjectif, mutuel, s’influençant l’un et l’autre, tous les deux étant touchés et transformés par ce système. Le rôle du thérapeute est d’aider le patient, la patiente, à réguler ses états intérieurs au travers la relation thérapeutique, tout en étant régulé par celle-ci. Pour les patients souffrant de traumatismes préverbaux précoces, se concentrer sur les signes somatiques et sensoriels peut être extrêmement utile et, parfois, l’unique voie d’action possible. Nous pouvons considérer maintenant que nos outils et notre compréhension bioénergétique sont validés par la recherche. Nous savons à présent comment notre travail, dans une relation centrée sur le corps, peut transformer les réseaux neuronaux d’une personne, ses perceptions, ses émotions et sa place dans le monde. Nous savons depuis longtemps comment les émotions peuvent être contenues et régulées par un contact physique, dans le cadre d’une relation thérapeutique, et aujourd’hui, des recherches scientifiques valident ces connaissances.

Le transfert et le contre-transfert impliquent toutes ces interactions somatopsychiques que nous connaissons déjà, mais dans un cadre du champ intersubjectif, qui prend place dans le moment présent, dans une véritable relation. Nous devons davantage nous pencher sur la manière dont nous, analystes bio énergéticiens, pouvons utiliser notre corps et nos émotions, en tant qu'outils thérapeutiques, pour résonner avec le corps et les émotions de nos clients. Comme l’explique Bob Lewis, nous avons besoin de reconnaître mieux ces messages corporels subtils qui, souvent, ne sont pas perçus. Nous avons fait longue route, mais le voyage n’est pas terminé. Nous sommes partis du corps seul au corps relationnel, de la structure corporelle au corps en résonance. Je vous ai emmenés dans un voyage qui touche à sa fin. En partant des contributions des analystes bio énergéticiens aux thèmes de la relation thérapeutique, en passant par ces processus de transfert et de contre-transfert, vers les contributions de nouvelles théories et de leur impact sur l’Analyse bioénergétique. J’espère que vous avez trouvé ce voyage utile.

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Biographie de l’auteure

Fina Pla est psychologue clinicienne, formatrice locale de l’Association Catalane de l’Analyse bioénergétique (Associació Catalana en l’Anàlisi Bioenergètica ou ACAB) à Barcelone. Elle a été formée en Gestalt-thérapie, en psychanalyse de type lacanienne et de type relationnelle. Praticienne de la thérapie EMDR. Elle est responsable du Centre de Psychothérapie Alenar (Alenar Centro de Psicoteràpia) à Barcelone.

Mail : fpla@copc.cat