Trouble de la personnalité borderline, honte et contre-transfert somatique

Ingrid Cryns

Traduit par Daisy Rassart et Michèle Dupuy-Godin

Analyse Bioénergétique • The Clinical Journal of the IIBA, 2017 (27), 115-163

https://doi.org/10.30820/0743-4804-2017-27-FR-115 CC BY-NC-ND 4.0 www.bioenergetic-analysis.com

Résumé

Comprendre des causes possibles du trouble de la personnalité borderline (TPB) et des manières dont ce trouble diffère du trouble bipolaire (TB), du trouble de la personnalité narcissique (TPN), du trouble de stress post-traumatique (TSPT) ou du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), voilà ce dont traite cet article. Les caractéristiques de ces différents troubles peuvent se révéler difficiles à saisir, se chevauchent régulièrement, se côtoient parfois, et il arrive que le diagnostic soit erroné. Cet article offre une vue d’ensemble qui compare les similarités et les différences entre ces maladies. Ainsi les manières dont l’affect central de la honte peut être ressenti d’un point de vue somatique chez le client souffrant d’un trouble borderline sont expliquées. L’article se penche également sur la relation de honte afin d’en distinguer les sentiments négatifs de dégoût, d’abandon et de rejet. Certaines informations s’adressent au psychothérapeute en Analyse bioénergétique lorsqu’il fait face à des états émotionnels difficiles, et lui propose un programme de guérison intégré pour un client avec un TPB. Sont incluses certaines suggestions de régimes, de complémentations alimentaires et de remèdes naturels. Pour terminer, certaines recommandations sont offertes au sujet de la manière dont un psychothérapeute peut repérer et comprendre ses problèmes de contre-transfert afin de travailler plus efficacement avec un client souffrant d’un TPB.

Mots-clés : Borderline ; Honte ; Traumatisme ; Contre-transfert somatique ; Affects négatifs

Introduction : Le trouble de la personnalité borderline

Pour beaucoup d’individus diagnostiqués avec un trouble de la personnalité borderline (TPB), la théorie à l’origine est celle d’un attachement instable avec un parent au cours de la petite enfance, théorie que cet article examine brièvement. Les ruptures de l’attachement durant l’enfance chez les clients TPB peuvent se traduire par des schémas désorganisés ou des triangulations paradoxales telles que vécus très tôt dans leurs familles. Un exemple réside dans l’absence ou la confusion des rôles interactifs essentiels du père (ou du deuxième parent) dans la relation triangulaire première entre la mère, le père et leur enfant 1.

Le TPB peut également se développer en dehors de la création de liens affectifs d’attachement instables durant l’enfance. Il y a des preuves de l’existence d’un génotype plus « sensible » potentiellement héréditaire2 3. Cette sensibilité peut également être liée à des influences environnementales traumatiques telles que « des agressions sexuelles et physiques, un divorce parental, une maladie ou la psychopathologie parentale »4. Pour certains individus, vivre des traumatismes liés à la guerre, à des accidents, ou au harcèlement par leurs paires peut aussi provoquer une diminution de leur aptitude à répondre correctement aux stress induits par l’environnement, ce qui favorise alors le développement de symptômes du TPB. On a découvert que les adolescents ayant subi du harcèlement durant l’enfance ou vécu des relations difficiles avec leurs paires ont un facteur de risque plus élevé de développer un TPB5 6. Ce risque peut être exacerbé à cause du développement du cerveau qui prend place à cette période.

Des recherches plus récentes indiquent qu’il peut y avoir des anomalies au niveau du cortex préfrontal et des amygdales chez les individus souffrant d’un TPB, expliquant ainsi leur difficulté à gérer leurs émotions négatives et à moduler leur impulsivité d’une façon saine pour eux-mêmes7. Ce qui devient l’enjeu central d’une représentation de soi incohérente là où il peut y avoir un continuum incompatible de sentiments de honte, de dégoût, d’abandon, et/ou de rejet d’eux-mêmes.

Voici un bref commentaire concernant le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) et ses labels : à l’origine, le DSM fut créé pour pouvoir prescrire correctement un soutien pharmacologique aux patients afin de les aider à gérer leurs symptômes apparents et leurs souffrances. Il fournit également une base sur laquelle débattre de problèmes de connaissances communes avec d’autres cliniciens. Cependant, les labels de diagnostiques peuvent également s’avérer très restrictifs lorsqu’il s’agit de décrire correctement les caractéristiques complexes d’un individu en détresse ou en souffrance. L’objectif de cet article est de pouvoir décrire certains des problèmes les plus importants que les individus peuvent avoir. L’attention est concentrée sur une différentiation plus claire de ce qui est caractérisé principalement comme un TPB et sur les difficultés rencontrées pour distinguer la façon dont le TPB s’identifie au monde. Il est important de noter que les individus peuvent être évalués selon un continuum de gravité du fonctionnement de l’égo, comprenant une grande variété de forces et de faiblesses.

Les pronostics de guérison des patients atteints d’un TPB peuvent être très encourageants s’ils sont compris en termes de comment travailler avec les liens interconnectés du corps et de l’esprit, comment regagner la capacité d’autorégulation biologique, comment réformer les attachements relationnels, et comment coopérer avec d’autres individus. Il est également important de mentionner qu’il s’agit d’une thérapie à long terme qui requiert un engagement, ainsi qu’une capacité d’actualiser les suggestions de traitement.

C’est le traitement non verbal du cerveau droit qui crée la capacité de connecter les expériences physiques et émotionnelles avec la conscience de soi8. Le cerveau peut continuellement changer grâce à l’apprentissage de nouvelles connexions corporelles et sensorielles, ainsi que de méthodes ramenant le corps à un état de régulation, après avoir été dans des états déconnectés, confus, incohérents et chaotiques (provoqués par des éléments déclencheurs émotionnels, inconscients et/ou dissociés.)

L’analyse bioénergétique est une forme corporelle psychothérapeutique unique pour rétablir un attachement relationnel stable (avec le thérapeute) à l’aide d’un système d’informations somatique non verbal. Elle permet d’intégrer l’attachement à une nouvelle conscience d’une connexion sans danger et cohérente avec soi-même et avec les autres, ainsi que de développer des manières de coopérer avec les autres. Une thérapie à long terme avec un thérapeute d’orientation psychocorporelle, connaissant bien les façons de travailler avec les aspects subtiles, fractionnés ou dissociés que le TPB recèle, peut aider à réformer les réseaux neuronaux et la neurobiologie chez le client souffrant de TPB.

Les concepts des TPB et les critères diagnostiques

Imaginez que votre perception de vous-même est comme un cylindre de fromage suisse, et que les trous et les déchirures sont les parties manquantes et fragmentées de votre conscience stable de vous-même. Ou encore, que votre conscience de vous-même est comme une série d’îlots de conscience séparés qui dérivent et s’éloignent les uns des autres, sans connexion solide ou de pont pour les maintenir ensemble. C’est ce à quoi ressemble l’organisation interne d’un client souffrant d’un trouble de la personnalité borderline. Il s’agit d’un trouble complexe et difficile à appréhender.

Le TPB est essentiellement un dérèglement de l’affect émotionnel qui finit par créer ultimement une conscience de soi instable et incohérente. Les perturbations structurelles essentielles communément suggérées pour le TPB sont9 :

  1. Un schéma subtil de relations interpersonnelles perturbées ou instables ;
  2. Un dérèglement affectif ou émotionnel ;
  3. Une impulsivité comportementale ou perte de contrôle en début de l’âge adulte.

Les clients souffrant d’un TPB ont une peur extrême de l’abandon. Cette peur est une pulsion inconsciente, mélange de rejet, de honte et de dégoût envers leur propre image. Ces clients ont souvent des relations interpersonnelles médiocres et souffrent d’une impulsivité comportementale provoquée par des déclencheurs intenses et constants (perçus ou réels) et par le dérèglement émotionnel considérable qui en découle. D’autres noms préférables ont été suggérés pour le TPB, tels que « trouble du dérèglement émotionnel » ou « trouble de la régulation émotionnelle » 10. Ces dénominations peuvent être préférées lorsque l’on parle avec les clients ou leurs proches.

Les points suivants dressent une liste de base des symptômes du TPB (selon le DSM-IV-TR11 il faut un minimum de 5 symptômes correspondant sur les 9 énoncés, et certains points provenant du DSM-512 y sont également intégrés, accompagnés de descriptions supplémentaires.)

  1. Une peur intense de l’abandon et d’être laissé seul. [Insécurité dans la séparation : Peurs du rejet par (et/ou de la séparation de) l’être cher, associées aux peurs d’une dépendance excessive et d’une perte complète d’autonomie. (Ces peurs peuvent être réelles ou imaginées, parfois perçues comme un besoin important de tout faire ensemble, ou à des efforts désespérés pour s’accrocher à l’autre ou pour rejeter les autres avant d’être rejetés soi-même).]
  2. Un schéma ou un passé jalonné de relations conflictuelles, instables et intenses. [Dysfonctionnements de fonctions interpersonnelles empathiques (incapacité à reconnaître les sentiments et les besoins des autres, avec soi-même une hypersensibilité interpersonnelle (c’est-à-dire une tendance à se sentir amoindri ou agressé) ; caractéristiques négatives ou vulnérabilités biaisant sélectivement la perception des autres et/ou de l’intimité (méfiance, manque, préoccupations anxieuses liées à un abandon réel ou imaginaire) ; les relations proches sont souvent dans les extrêmes (ne voir que le bon chez les autres), ou la dévaluation (tout est négatif), et balancement entre l’engagement extrême et le retrait.
  3. Une perturbation de l’identité, ou peu d’estime de soi. [Une perception de leur image de soi perpétuellement instable, des problèmes reliés aux troubles du fonctionnement personnel souvent associés à de l’autocritique exacerbée, une auto-direction faible : instabilité en ce qui concerne leurs propres objectifs, leurs aspirations, valeurs et plans de carrière.]
  4. Impulsivité, désinhibition et/ou comportements autodestructeurs ou auto-sabotage. [Agir sur le moment pour répondre à des stimuli immédiats ou agir sans réfléchir ou sans prendre en compte les conséquences de ses actes, dénier les dangers personnels réels, dans au moins deux domaines, parmi lesquels la conduite imprudente, les comportements dépensiers, la consommation de substances, le sexe, la boulimie, etc.]
  5. Automutilation récurrente. [Menaces, frayeur, mutilations par brûlures, griffures, trichotillomanie, ou pulsions suicidaires récurrentes.]
  6. Instabilité émotionnelle extrême. [Sautes d’humeurs, stimulation facile et réactions disproportionnées, alternant entre des sentiments négatifs intenses tels que : dysphorie épisodique (dépression, tristesse, détresse, impuissance, désespoir, pessimisme envers le futur, honte, dénigrement et difficulté à se sortir de ces états), irritabilité ou anxiété (appréhensions, nervosité, tensions, panique, inquiétudes liées au passé ou au futur, sentiment d’inquiétude, peur de l’inconnu, peur de s’effondrer ou de perdre le contrôle), généralement d’une durée entre quelques heures et quelques jours (rarement).]
  7. Sentiment de vide chronique.
  8. Réactions inappropriées, intenses, explosions de colère. [Colère persistante ou fréquente en réponse à des critiques ou à des insultes de peu d’importance et/ou difficulté à contrôler sa colère occasionnant de constantes explosions de colère, des altercations physiques récurrentes, des démonstrations fréquentes de mauvaise humeur, etc.]
  9. Pertes temporaires du sens de la réalité ou pensées paranoïaques [Cela peut être provoqué par le stress, la nourriture, des médicaments et peut mener à des symptômes dissociatifs graves (psychose).]

Selon le DSM-5, il est important de remarquer qu’il y a trois autres critères à prendre en considération.13

« A. Les perturbations du fonctionnement de la personnalité et les moyens d’expression de la personnalité de l’individu sont stables dans la durée et systématiques d’une situation à une autre.

B. Les perturbations du fonctionnement de la personnalité et les moyens d’expression de la personnalité de l’individu ne sont pas mieux compris comme normaux si on considère son niveau de développement individuel ou son environnement socio-culturel.

C. Les perturbations du fonctionnement de la personnalité et les moyens d’expression de la personnalité de l’individu ne sont pas seulement dus aux effets physiologiques directs d’une substance (par exemple, une drogue, un médicament) ou à un état de santé général (comme un traumatisme crânien). »

Il se peut que certains individus souffrant d’un TPB soient incapables de maintenir une séparation avec « l’autre » à cause de leur peur viscérale de l’abandon et/ou du rejet. En général, les personnes atteintes par ce trouble ont un manque de limites. Cela peut être observé de l’extérieur : portes laissées ouvertes ; frigos, armoires et tiroirs désorganisés ; désordre, amassement d’objets et difficulté à se séparer de possessions personnelles (déplacement de l’attachement) ; se sentir menacé par des points de vues différents ou alternatif ; difficulté à dire « Non » aux autres ; difficulté à prendre de solides décisions. D’autres individus souffrant d’un TPB seront incapables de démontrer une certaine constance envers les autres, d’être fiables et dignes de confiance. Ceci est défini comme un manque de « constance d’objet »14, lorsque « l’autre » n’est pas physiquement présent avec eux, ils peinent à garder son image ou une connexion avec cet autre.

Pour de nombreux clients TPB, la réalité donne l’impression de marcher sur du sable qui glisse en permanence. Leur réalité ne semble jamais stable ou solide. Voici des phrases décrivant des difficultés généralement ressenties par ces clients :

« Je te hais, mais je ne peux pas te quitter. » ou « Je te hais – Ne me quitte pas. »15
« Je suis tellement bon au début, mais je finis toujours par tout détruire, moi y compris. »16
« Certains disent que je suis trop sensible, mais la vérité, c’est que je ressens trop. Chaque mot, chaque action, chaque énergie touche directement mon cœur. »17
« J’ai l’impression de marcher sur des œufs en permanence. » (Témoignage d’une personne engagée dans une relation intime avec un client souffrant d’un TPB.)18

Distinction entre le TPB et TPN, TB, TSPT et TDAH

Voici une description des similarités et différences entre le trouble de la personnalité borderline (TPB) et le trouble de la personnalité narcissique (TPN), le trouble bipolaire (TB), et le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ces diagnostiques sont souvent confus et il arrive qu’ils cohabitent, selon où se trouve le client sur le continuum complexe de gravité, de sensibilité et d’influences environnementales externes. Aussi, pour finir à ce chapitre, puisque les traumatismes influencent profondément l’affect et ses dérèglements somatiques, il est extrêmement utile de comprendre les similarités entre le TSPT et le TPB en ce qui concerne le traitement de ce dernier.

Le trouble de la personnalité narcissique (TPN) vs. le TPB

On a dit précédemment que le trouble de la personnalité borderline (TPB) peut avoir des traits communs avec celui de la personnalité narcissique (TPN). Si on considère que l’origine du TPB se trouve dans les attachements de la petite enfance, ces troubles proviennent tous les deux des deux premières années de vie de l’enfant, soit de sa période préverbale. Si elles ne sont pas liées à un traumatisme de l’attachement, les caractéristiques peuvent sembler similaires dues à un choc traumatique. Il est parfois difficile de déterminer le TPB à cause des aspects qui se chevauchent souvent et de la compréhension plus commune du TPN. Les deux troubles peuvent également cohabiter à différents degrés.

Selon les structures de caractères en analyse bioénergétique, le traumatisme développemental d’attachement instable durant l’enfance chez un TPN se forme durant le stade oral du développement, à un stade plus précoce que le TPB, quelque part entre six semaines et un an. Le TPB se retrouve un peu plus loin, entre six mois et un an. La personnalité du stade oral est d’abord façonnée par la peur de l’abandon. Le développement neuro-affectif (la capacité biologique d’autorégulation) actualise l’enjeu central de chacune des cinq structures des caractères bioénergétiques durant les deux ou trois premières années de vie.19 Cela correspond à la théorie de Vincentia Schroeter selon laquelle les aspects du TPB peuvent être trouvés dans tous les caractères bioénergétique.20 Voir Tableau A :

Tableau A – Structures des caractères en analyse bioénergétique : premiers stades du développement neuro-affectif

En plus des traits communs tels que la honte, l’abandon et le rejet, le TPN et le TPB partagent des caractéristiques telles que les relations conflictuelles, une conscience faible des sensations physiques, une anxiété générale, une dissociation, et le fait de blâmer. Voir Tableau 1 ci-dessous :

Tableau 1

TPB & TPN – Caractéristiques similaires
Relations conflictuelles
Conscience faible des sensations physiques
Anxiété
Déclencheurs de dissociation
Blâmer/projeter
Peur profonde de l’abandon
Honte, rejet

Toutefois, ils se distinguent par la manière qu’ils expriment leur colère ou gèrent le conflit. Une personne avec un TPN pensera souvent qu’elle n’a pas besoin de thérapie, car il est difficile pour les gens souffrant de ce trouble de vraiment ressentir leurs sentiments dans leur corps. Cela vient de signaux manqués lors de la création d’un attachement inadéquat avec les parents. Une scission de leur noyau et une dissociation à l’intérieur d’eux-mêmes sont alors provoquées. Le fait de blâmer les autres est une caractéristique commune qu’ils utilisent pour projeter le conflit qu’ils créent eux-mêmes sur les autres. Lorsque l’énergie libidinale sur eux-mêmes leur est niée ou que ce qu’ils demandent leur est refusé, le contenu de leur colère est souvent plus critique et humiliant. Le Tableau 2 ci-dessous compare des différences entre le TPB et le TPN.

Tableau 2 – TPB vs. TPN – Différences de caractéristiques

Trouble de la personnalité borderline
Différences
Trouble de la personnalité narcissique
Différences
La colère peut être explosive, facilement déclenchée – réaction excessive et impressionnante (rage) envers les autres (honte, évite de se sentir rejeté ou abandonné)
La colère peut être inconsciemment pleine de ressentiment, créant des réactions de conflit dans la relation (schéma en boucle qui essaie de s’individualiser sans succès)
La colère peut être retournée vers soi-même, sous la forme de comportements explosifs ou d’automutilation (scarification, suicide)
La colère peut devenir chronique ou supprimée, en dépression, en désespoir (à cause de l’incapacité à tolérer l’intensité de la douleur centrale de l’abandon, de la honte et ou du rejet)
Les sentiments peuvent changer rapidement, dissociés de l’autre extrême
Parfois, l’individu ne ressent pas le besoin de faire une thérapie (il existe différents niveaux)
La colère est critique et humiliante envers soi et les autres
Grande difficulté à ressentir ses propres besoins, ses sentiments parmi les autres, ses sentiments envers les autres
Difficulté à ressentir de l’empathie ou de la compassion pour les autres (il y a différents niveaux d’habileté)
Les individus tentent d’imiter les sentiments du mieux qu’ils peuvent (ils apprennent en observant les autres), afin d’obtenir ce qu’ils veulent des autres
La gamme d’émotions ressenties est peu élaborée
Souvent, l’individu ne ressent pas le besoin de faire une thérapie (il existe différents niveaux)

Les narcissiques sont plus ou moins incapables de ressentir de la compassion ou de l’empathie pour les autres. Puisqu’ils sont davantage déconnectés des sentiments dans leur corps, ne profitant pas d’informations provenant d’expériences passées, leur conscience ne peut pas rassembler toutes les informations nécessaires à imaginer la réalité d’une autre personne. Bien qu’ils puissent sembler imiter des états émotionnels afin d’obtenir ce qu’ils désirent des autres, ils reproduisent en réalité les actions qu’ils ont observées afin de s’assurer d’avoir le contrôle de la relation et de combler leurs propres besoins uniquement. Leur plus grande peur est d’être abandonnés et cette peur est inconsciente, par conséquent, le reflet intérieur d’abandon constitue la vraie dissociation de leurs états émotionnels corporels. Il est normal pour eux d’être déconnectés et de ne pas ressentir d’empathie pour les autres, puisqu’ils ne comprennent pas vraiment comment cela se ressent dans le corps. La vie et le fait d’être dans le corps sont principalement des constructions mentales.

Les individus avec un TPN ou un TPB partagent cette peur profonde de l’abandon. Dans les cas où, lors de l’enfance, il y eut abandon réel, et si certains besoins n’y ont pas été comblés, ces individus projetteront chez les autres et agiront des scénarios d’abandon variés Chez le narcissique, cela rejoue la difficulté de reconnaître et d’accepter les besoins et sentiments des autres. Cependant, les individus avec un TPB sont souvent hautement sensibles et peuvent avoir des réactions disproportionnées et des réponses exagérées envers les autres afin de ne pas ressentir leur abandon21 (incluant les sentiments de honte et de rejet qui accompagnent souvent ce sentiment d’abandon). La colère peut alors commencer à être ressentie grâce à une certaine conscience de leur obsession incontrôlable d’être en permanence conscient tout d’abord de ce dont l’autre personne a besoin.

Avec le temps, pour certains individus avec un TPB, cela se transformera peu à peu en rancune. Ils créeront alors inconsciemment des conflits dans leurs relations intimes de manière à agir leur besoin de se sentir séparé de l’autre. (Il s’agit d’un besoin sain de s’individualiser qui n’a pu être résolu et qui s’est alors déformé22).

De même, pour certains individus avec un TPB, la colère peut rapidement se transformer en rage. Ils sont très sensibles et peuvent être facilement provoqués. Ils peuvent cependant aussi se sentir embarrassés, ou même ressentir des remords à cause de leurs actions, mais ils n’arriveront pas à savoir comment mettre fin ou contrôler ce schéma relationnel répétitif. Pour d’autres, la colère peut être refoulée et redirigée à l’intérieur sous la forme de comportements d’automutilation (scarifications), ou de dépression provoqués par un sentiment de désespoir lié à l’impossibilité de demeurer présents à la douleur centrale d’avoir été abandonnés, à la honte, au dégoût et/ou au rejet qui y sont associés. Ils ne sentent coincés dans des schémas sans issue qu’ils ne peuvent pas changer.

Trouble bipolaire (TB) vs. TPB

Le TPB est souvent confondu avec le trouble bipolaire (TB), ce qui mène à de mauvais diagnostiques. Il arrive occasionnellement que ces deux types coexistent. Ils ont en commun la labilité de l’humeur (mauvaise régulation de l’affect) et l’impulsivité, une colère disproportionnée par rapport aux situations, l’automutilation (risques de suicides élevés) et l’instabilité des relations.

Les individus souffrant d’un de ces deux troubles ont également tendance à penser dans les extrêmes, soit vous êtes tout bon, ou tout mauvais. Ils sont incapables de considérer une personne comme ayant du bon et du mauvais en elle, comme un concept d’intégralité. Vous pouvez très bien être leur meilleur ami et la minute suivante, leur ennemi. Cette façon de penser de « tout noir, tout blanc » peut se manifester à des degrés divers, mais en général, il y a une forte tendance chez ces personnes à ne pas être capable de trouver un juste milieu et de développer un point de vue plus général ou plus complexe. Cela peut représenter leurs états intérieurs, comme des îles séparées de conscience qui ne sont pas capables de rester ensemble pour former une conscience de soi cohésive. Le Tableau 3 reprend une liste des similarités principales des TPB et TB.

Tableau 3 – TPB & TB – Caractéristiques similaires

TPB & TB – Caractéristiques similaires
Mauvaise régulation de l’affect (sautes d’humeur/labilité)
Impulsivité
Colère inappropriée
Colère ayant pour conséquence l’automutilation, risque suicidaire
Relations instables
Anxiété et dépression
Pensées en tout noir ou tout blanc

Il existe une différence clé entre le TPB et le TB : chez le client souffrant d’un TPB, l’image de soi est essentiellement mauvaise, alors que le client avec un TB a une estime de lui grandiose (est souvent arrogant).

Le TPB a une réaction plus distincte lorsqu’il perçoit de l’hostilité ou de l’autonomie chez les autres (peur de la séparation/de l’abandon) que le patient avec un TB. Les sautes d’humeur chez un client souffrant d’un TPB peuvent être assez fréquentes, et durer de quelques heures à quelques jours, alors qu’un client avec un TB aura des périodes manifestement plus longues de manie/hypomanie ou dépression. Il y a également des cas de patients avec un TB qui ont des cycles plus rapides. Les réactions émotionnelles chez l’individu souffrant d’un TPB peuvent être déclenchées par une peur (perçue ou réelle) d’abandon23 qui est souvent profondément dissociée et peut être la cause d’un état d’anxiété persistant.

Un client avec un TB ne répondra souvent pas à un défi ou à une interprétation venant du thérapeute, alors que le client avec un TPB aura une réponse émotionnelle forte, qui peut être exprimée par la colère/la rage (signes somatiques : agitation accrue, mains serrées ; le client tape du pied, parle plus fort (crie), devient sur la défensive, etc.) ou la fuite (signes somatiques : lève les yeux au ciel, tourne la tête, les pieds ou le corps dans la direction opposée pour se préparer à fuir), la dissociation (la personne change de sujet immédiatement ou « rêvasse »), ou l’interruption de la séance (elle quitte, ne revient pas, etc.) 24.

Tableau 4 – TPB vs. TB – Différences de caractéristiques

Trouble de la personnalité borderline
Différences
Trouble bipolaire
Différences
Image de soi principalement mauvaise (honte chronique)
Sautes d’humeur pouvant durer de quelques heures à quelques jours
Sensibilité interpersonnelle à l’hostilité et à la séparation
Une réaction plus distincte lorsqu’il perçoit de l’hostilité ou de l’autonomie (peur de la séparation/de l’abandon)
A souvent une réponse émotionnelle forte pouvant être exprimée par de la colère/de la rage = en conflits relationnels constants
Alterne entre l’idéalisation et la dépréciation des autres
Estime de soi grandiose
Longues périodes de sautes d’humeur, généralement de plusieurs mois, avec des périodes distinctivement plus longues de manie, d’hypomanie ou de dépression
Insensibilité interpersonnelle
Ne répond généralement pas aux défis et aux interprétations proposés par le thérapeute
Utilise la fuite et le déni et fait preuve de peu de perspicacité

Trouble de stress post-traumatique (TSPT) vs. TPB

Une préoccupation majeure des individus avec un TPB est la difficulté à réguler l’affect physique de leurs émotions. Selon une étude par Ford et Courtois (2014), 7 critères diagnostiques du DSM-V sur 9 pour le TPB et pour le TSPT sont similaires. Les symptômes généraux du TSPT se retrouvent souvent dans les TPB liés à une sensitivité exacerbée dans la neurobiologie du cerveau et des difficultés à gérer les stresses traumatiques provenant de l’environnement externe. Ils peuvent tous deux souffrir d’une anxiété constante tout autant que d’un sentiment de désespoir concernant leur incapacité à réguler ou contrôler leur affect émotionnel. Cela peut résulter en des états de dépression chroniques. Cette difficulté est due aux réponses de combat, de fuite ou d’immobilité face au trauma. Devant faire face à un traumatisme, le corps peut se dissocier de l’intensité d’émotions négatives ou douloureuses afin de ne simplement plus les ressentir. La conscience du corps est alors basse, et de nombreux déclencheurs de dissociation se répètent en boucle. Cette boucle dissociative chronique, fondée sur l’engourdissement émotionnel, crée un sens de vide intérieur que le TPB et le TSPT partagent, alors qu’ils se sentent tous les deux coincés dans le désespoir, sans comprendre comment s’en sortir. L’intensité est très difficile à tolérer et sans soutien adéquat et sans informations au sujet de la raison pour laquelle cela se passe ainsi, ils peuvent éventuellement devenir à haut risque suicidaires. Durant l’adolescence, ces risques pour le TPB et le TSPT sont très élevés. Cependant, il arrive souvent qu’à l’âge adulte, l’intensité de ces symptômes diminue, ce qui diminue les facteurs de risque. Le Tableau 5 dresse la liste des caractéristiques communes à ces deux troubles25.

Tableau 5 – TPB & TSPT – Caractéristiques similaires

TPB & TSPT – Caractéristiques similaires
Mauvaise régulation de l’affect (sautes d’humeur/labilité)
Estime de soi généralement faible (honte chronique)
Colère qui mène à l’automutilation, risque de suicide
Comportements impulsifs
Anxiété importante
Dépression, désespoir
Sentiment de vide chronique
Relations conflictuelles (enchevêtrement intense et volatile)
Détachement social et évitement
Faible conscience des sensations physiques
Déclencheurs de dissociation
Manque d’habileté à ressentir du plaisir ou des émotions positives

La principale différence entre le TPB et le TSPT est que le TPB fait ressentir une terreur extrême de l’abandon ou du rejet, et mène également à une forte tendance à alterner entre l’idéalisation et le dénigrement d’autrui. Cela n’est pas le cas pour le TSPT ou le TSPT complexe (TSPTc). Il semblerait que le TPB a davantage tendance à souffrir à la fois d’une régulation faible ou exagérée des états émotionnels, ainsi qu’à ressentir moins de faible régulation lorsque le traumatisme ayant pris place durant le développement de l’enfant est confirmé. Une régulation trop faible signifie que quelqu’un exprime ses émotions d’une manière forte, exagérée et dramatique. Au contraire, une régulation de l’affect trop développée prend place lorsque les émotions sont retenues, davantage contrôlées, ou supprimées. Le TSPT complexe a tendance à montrer des combinaisons complexes de dissociations négatives et positives accompagnées d’états émotionnels peu régulés. Les symptômes dissociatifs positifs se manifestent dans des réponses défensives actives et peuvent inclure des souvenirs traumatiques intrusifs, des réviviscences, des voix intrusives, ainsi que des schémas complexes tels que des reconstitutions. Les symptômes dissociatifs négatifs se manifestent par des réponses défensives passives, et sont généralement liés à des pertes de fonctions comme des pertes de mémoire, des pertes des fonctions corticales supérieures, des pertes de sensations, des pertes du contrôle moteur ainsi que des perceptions somato-sensorielles (telles engourdissements)26. Les clients souffrant d’un TSPT éprouvent également plus de difficultés à reconnaître les émotions que les clients avec un TPB.27

Les clients avec un TPB ont des facteurs de risque complexes différents de ceux des clients souffrant d’un TSPT. Ils peuvent se révéler chroniques et plus dangereux pour le Soi. Ils ont davantage tendance à avoir des caractéristiques de comorbidité liées à d’autres troubles (comme les Troubles alimentaires, la Bipolarité, etc.) Il semblerait également qu’ils aient un risque plus élevé d’être traumatisés à nouveau à l’âge adulte.

Pour terminer, une petite partie des clients avec un TPB souffrent simultanément d’un TSPT, et il existe également un sous-ensemble de clients souffrant d’un TSPTc (complexe) qui ont un TPB. Des différences distinctes sont à considérées davantage dans une catégorie que dans l’autre. Le Tableau 6 reprend les caractéristiques qui différencient les deux troubles28.

Tableau 6 – TPB & TSPT – Différences

Trouble de la personnalité borderline
Différences
Trouble de stress post-traumatique
Différences
Peur profonde de l’abandon ou du rejet
Alterne entre l’idéalisation et la dépréciation des autres
Facteurs de risque plus complexes (que pour le TSPT) qui peuvent être chroniques ou plus dangereux
Plus de chance d’avoir des caractéristiques de comorbidité (<10%) plus difficiles à gérer (pourcentage plus important pour les troubles alimentaires {50%} et la bipolarité {35%})
Risques plus importants de re-victimisation à l’âge adulte à cause des traumatismes vécus durant le développement de l’enfant
(Un sous-groupe de patients avec un TPB peut quelques fois souffrir d’un TSPT)
Combinaison complexe de dissociations positives avec un affect trop peu régulé et de dissociations négatives avec un affect trop régulé (TSPTc)
Eprouve des difficultés à reconnaître et ressentir les émotions
Capacité variable d’établir rapport à des croyances dans leur propre conscience de soi
(On peut s’attendre à une combinaison de victimisation traumatique et de relation d’attachement rompue avec un parent – le TPB peut être considéré comme un sous-groupe de TSPTc)

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) & le TPB

Bien qu’il existe des études qui rapportent un nombre élevé de cas d’enfants diagnostiqués avec un TDAH qui, plus tard, sont diagnostiqués avec un TPB, il y a des différences distinctes entre ces deux troubles. Ils ont en commun une faible capacité à réguler leurs états émotionnels et leur impulsivité. Le TDAH pourrait être un symptôme précurseur apparaissant durant l’enfance du développement d’un TPB à l’âge adulte. Le Tableau 7 regroupe les caractéristiques similaires de ces deux troubles29.

Tableau 7 – TPB & TDAH – Traits similaires

TPB & TDAH – Caractéristiques similaires
Faible régulation de l’affect (sautes d’humeur/labilité)
Impulsivité
Relations conflictuelles
Colère inappropriée
Déficits interpersonnels
Anxiété importante
Faible conscience des sensations physiques
Déclencheurs de dissociation

Le TPB a des caractéristiques qui diffèrent de manières significatives de celles du TDAH. Parmi celles-ci, un sentiment de vide chronique qui peut conduire à un risque élevé de suicide (accompagné de sentiments de honte, d’abandon ou de rejet). Il y a une plus forte tendance à la dissociation. Bien que ces deux troubles partagent l’impulsivité, un individu avec un TPB est motivé par des aspects affectifs et de sensibilité interpersonnelle. Le TDAH consiste principalement en une difficulté à rester concentré ou à être attentif, ce que le TPB ne partage pas. (Bien que similaires aux caractéristiques du TSPT, l’impulsivité de ces patients est davantage liée à des déficits du traitement de l’attention et du traitement cognitif causés par des problèmes comportementaux d’inhibition). Certaines personnes avec un TDAH ont tendance à être en perpétuel mouvement dans des schémas comportementaux d’hyperactivité constants. Le Tableau 8 regroupe les différences entre le TPB et le TDAH30.

Tableau 8 – TPB & TDAH – Différences

Trouble de la personnalité borderline
Différences
Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
Différences
Sentiment de vide chronique
Automutilations, risque important de suicide
Une plus grande tendance à la dissociation
Impulsivité motivée par des aspects affectifs et de sensibilité interpersonnelle
Incapacité à se concentrer (est facilement distrait) et/ou attention importante portée sur des sujets spécifiques qui intéressent l’individu
Tendance à être toujours en mouvement (hyperactivité)
Désinhibition comportemental/désorganisation
Répond bien aux traitements médicamenteux
Déficits des processus cognitifs et de l’attention causés par des problèmes comportementaux d’inhibition liés à l’impulsivité

L’Attachement durant l’enfance et le TPB

Dans les années 1960, Mary Ainsworth identifia une typologie de base de l’attachement : attachement sécure, attachement anxieux-évitant insécure, attachement anxieux-ambivalent insécure. Mary Main, collègue d’Ainsworth, ajouta une quatrième catégorie d’attachement : l’attachement désorganisé/désorienté. Il s’agit de la catégorie la plus instable des schémas d’attachement insécures. Selon Main, l’attachement désorganisé se produit lorsque l’attachement au parent est effrayant, effrayé ou dissocié, et est perçu comme une stratégie « d’effondrement » du client qui ressent une « peur sans solution » 31.

L’attachement insécure peut se développer avec les parents qui ont de grandes difficultés à être complètement présents pour leurs enfants durant de longues périodes au cours de la première année de vie, comme dans les cas suivants : dépression post-partum, deuil d’une personne importante ou maladie en phase terminale d’un proche (par exemple, un autre enfant), stress relationnel important avec le partenaire (séparation ou divorce), naissance prématurée avec séparation de l’incubation et/ou accident ou hospitalisation d’un parent. Les enfants adoptés peuvent aussi développer des attachements insécures à cause de la séparation d’avec leur mère biologique et une période instable avec des parents transitoires jusqu’à ce qu’un parent adoptif soit complètement présent dans la vie du bébé.

Imitation : Peter Fonagy remarqua que l’attachement sécure aux parents se révélait être à la fois « congruent » et « marqué ». Cela signifie que les expressions faciales et vocales du parent correspondent au reflet juste et vrai des expressions émotionnelles de leur enfant ou de ses états émotionnels, plutôt qu’aux états du parent32. Ceci est devenu la base des premières représentations des affects émotionnels propre à l’enfant appelée l’imitation contingente ou l’imitation émotionnellement harmonisée. Il s’agit de la base sur laquelle l’enfant construira sa capacité à réguler ses émotions ainsi qu’à contrôler ses impulsions. Selon Fonagy, chez un client avec un TPB, dans sa conscience, le lien entre son ressenti intérieur et les réponses obtenues de son environnement est potentiellement rompu, ou en grande partie dissocié 33.

Le phénomène qui découle d’une situation où la mère est présente pour l’enfant, mais ne répond pas correctement au ressenti de l’enfant. s’appelle imitation banalisée (floue) ou non-contingente. Une imitation banalisée se passe lorsque le bébé déchiffre le visage de sa mère pour en retirer ses réponses, des signes ou des signaux de détresse et que la mère (ou le parent principal) répond avec ses propres besoins, incapable de donner un reflet cohérent confirmant une réponse saine aux vrais besoins de son enfant34. L’imitation banalisée est la source principale de la formation du traumatisme développemental pour le TPB, puisqu’il y a une impossibilité de développer un attachement sécure avec la mère. Cela finit par se traduire par une image de soi non-cohérente que l’enfant considère comme quelque chose fondamentalement mauvaise ou incorrecte au fond de lui. S’établit alors une honte chronique et un dégoût basé sur sa conscience de soi.

L’imitation non-contingente prend place lorsque l’enfant est invité à assimiler l’image de sa mère/de ses parents comme son Soi émotionnel plutôt que d’être capable de découvrir son propre état émotionnel. Cela crée une vulnérabilité à une pathologie plus narcissique ainsi qu’une séparation ou une illusion d’une conscience de soi qui oscille entre la grandeur et le vide35.

Le fait de comprendre les émotions non verbales de l’imitation nous fournit des informations cruciales au sujet de l’importance d’imiter avec justesse avec des mots, des intonations de voix, des expressions faciales et corporelles dans le cadre du traitement relationnel entre le thérapeute et son client souffrant d’un TPB.

La honte chronique du client avec un trouble borderline

Les problèmes fondamentaux à l’origine du traumatisme développemental du TPB durant la petite enfance se trouvent dans l’attachement insécure ou désorganisé. L’un et l’autre peuvent faire en sorte que la conscience de soi devienne inconsciemment associée à des sentiments de honte. À cause de ce traumatisme développemental précoce, les personnes souffrant du TPB pensent qu’ils sont mauvais par essence. Cela est également lié à leur peur sous-jacente intense de l’abandon et/ou rejet. La honte chronique peut aussi apparaître avec d’autres formes de TPB qui peuvent se développer plus tard dans la vie de l’enfant à partir de facteurs de stress extérieurs.

La prochaine direction que prend cet article est de suivre comment ceci est en lien avec l’expérience d’états émotionnels négatifs liée à des états d’affect correspondants dans le corps. Lorsque nous pouvons suivre une forme de TPB causée par une blessure développementale durant l’enfance, nous pouvons trouver des indices sur la manière dont nous pouvons le soigner ou le réparer à travers l’intégration d’interventions psychothérapeutiques efficaces, accompagnées d’une conscience physique améliorée des états d’affects émotionnels positifs et négatifs.

La honte (un état d’affect négatif)

La honte est l’énergie de conscience la plus difficile et tenace à soigner ! Elle est tellement douloureuse pour la plupart des individus que se fragmenter ou s’en dissocier est un mécanisme de défense compréhensible pour s’en protéger. C’est similaire à ce qui se passe lorsque le traumatisme affecte le corps. Pour comprendre la honte, nous devons commencer par comprendre la physiologie des états d’affect négatif et comment ils se représentent dans les expressions somatiques.

Silvan Tomkins décrit la honte comme un affect qui demeure et qui est inhérent à la biologie du corps36. Grâce à des pulsations d’expansion et de contraction, l’énergie corporelle se retire lorsque la connexion positive est interrompue. Un enfant peut assimiler un système de honte chronique ou de haine de soi, conséquence du besoin de rétablir l’amour (une connexion positive), et l’enfant finira par devenir plus vulnérable à la honte37.

Selon ce qu’affirme Donald L. Nathanson dans son livre Pride and Shame38, il existe neuf affects émotionnels de base (il s’appuie sur le travail fondateur de Silvan Tomkins39), par lesquels notre corps exprime instinctivement ses sentiments. Un affect est défini comme une portion biologique d’émotions. Lorsque votre visage s’illumine d’un sourire, vous montrez l’affect de satisfaction. Le circuit produisant les affects est stocké dans la partie primitive du cerveau (tronc cérébral), aussi appelé « cerveau reptilien ». Lorsqu’un affect est déclenché, il active « un mécanisme qui produit alors un schéma connu d’évènements biologiques »40. Une émotion apparaît lorsque l’on devient conscient d’un affect. Les affects constituent un aspect instinctif de nos corps avec lequel nous sommes tous nés et que nous exprimons tous. Depuis l’instant où nous prenons notre première inspiration, nous savons comment pleurer et crier pour qu’on nous aide et nous console. Cela se produit grâce à la combinaison des affects de peur, de détresse, et peut-être de colère. Nathanson affirme que, parmi les neuf affects, deux sont positifs, un est neutre, et six sont considérés comme des sentiments négatifs. Ci-dessous les neuf affects innés fondamentaux provenant du livre de Nathanson, Pride and Shame (certains d’entre eux sont classés comme un continuum d’une gamme de sentiments)41 :

POSITIFS

  1. Intérêt – Excitation (réaction au succès/désir de partager) – sourire, lèvres étirées, énergie plus chargée
  2. Satisfaction – Joie (réaction à une nouvelle situation/désir de participer) – sourcils relâchés, yeux attentifs, écoute attentive, sentiment de fierté, énergie plus relaxante

NEUTRE

  1. Sursaut – Surprise (réaction à un changement soudain/désir de recommencement, clarifie l’esprit) – sourcils levés, clignements des yeux, les mains peuvent se lever, corps/tête vers l’arrière

NEGATIFS

  1. Peur – Terreur (réaction au danger/désir de s’enfuir ou de se cacher) – regard figé, visage pâle, froid, transpiration, cheveux hérissés, yeux écarquillés, sourcils levés
  2. Détresse – Anxiété (réaction à une perte/impulsion de deuil) – pleurs, sanglots, sourcils contractés, bouche abaissée, sentiment de peine intense
  3. Colère – Rage (réaction à une menace/impulsion d’attaque) – sourcils froncés, mâchoire serrée, visage rouge, tape de la main ou du pied (irritation/agitation)
  4. Sentiment de dégoût [mépris/rejet] (réaction à une mauvaise odeur/envie de l’éviter – similaire à la répugnance) – lèvre supérieure retroussée, tête en arrière
  5. Dégoût (réaction à un mauvais goût/impulsion de jeter) – lèvre du bas relevée et saillante, mouvements de la tête de l’arrière vers le bas, nausée possible
  6. Honte – Humiliation (réaction à l’échec/désir de revoir son comportement) – yeux baissés, tête baissée et détournée, le visage rougit

En observant cette liste, il est clair que les sentiments négatifs dépassent de loin les trois positifs ou neutres. La honte est le sentiment le plus difficile à déceler et à éliminer. La honte prend place lorsque le flux naturel d’un des deux affects positifs (intérêt-excitation ou satisfaction-joie) est perturbé. La honte peut limiter l’empathie et l’intimité en interrompant ou interférant avec les connexions sûres et cohérentes avec les autres. Bien souvent, la colère peut être une réponse au sentiment de honte. Elle peut être perçue comme une réponse défensive afin de ne plus ressentir de honte et de tenter de rétablir des sentiments positifs.

Il existe de nombreux autres sentiments, mais Nathanson les considère généralement comme une combinaison de certains de ces neuf affects fondamentaux. Par exemple, il dit que la culpabilité n’est pas un affect inné et fondamental mais le résultat de la combinaison des affects innés de honte et de peur. L’embarras et la culpabilité sont comme la honte, mais ils constituent des réponses comportementales. La honte est un concept entier, connecté à la conscience de soi, à l’impression d’être déficient.

L’affect de dégoût peut également être combiné à l’affect de honte :

« L’impression d’être dégoûtant accompagne les sentiments de honte pour différentes raisons. Tout d’abord, il semblerait que l’affect de dégoût se trouve dans le sillage de la honte qui se désintègre. Schore remarque que, dans les théories du développement en psychothérapie, l’affect de dégoût est encore plus souvent négligé que la honte. Il cite une étude qui démontre que les personnes diagnostiquées avec un trouble de la personnalité borderline (TPB) ou un trouble de stress post-traumatique (TSPT) – c’est-à-dire, des personnes souffrant de traumatismes développementaux et relationnels sévères – sont particulièrement sujettes au concept implicite de dégoût de Soi. La sensibilité au dégoût est élevée pour les troubles liés à un traumatisme, et ce dégoût de soi sera probablement dissocié. » 42.

La honte est comme une cape sombre, posée sur vous par quelqu’un d’autre. Elle est produite en réponse à une source externe. Il s’agit d’une émotion relationnelle qui vise à se cacher des jugements projetés par les autres (perçus ou réels), des commentaires désagréables, des critiques ou des attaques.

À la base, les enfants sont dépendants de leurs parents afin que ceux-ci reflètent leurs besoins de réponses positives ou de calme, d’apaisement. Lorsque les enfants se retrouvent face à un parent en colère, ou terrorisant en réponse à leurs besoins, ils se retourneront contre leur propre force vitale positive, et finiront par créer un Soi intérieur en colère, terrorisant contre lui-même. Cela empêche une individualisation saine et provoque de grandes difficultés à honorer ou à reconnaître ses propres droits et besoins. Cela peut également créer un sentiment constant d’annihilation dans le développement de leur conscience de soi. Eventuellement, ils repousseront leur propre énergie vitale – causant ainsi une haine ou un dégoût de soi43.

« La honte est une expérience de désintégration de la conscience de soi dans une relation avec un autre, perturbateur […] quelqu’un de proche de nous dont les réponses émotionnelles nous laissent comme fragmentés […] » (DeYoung, 2015)

L’affect de honte est lié à la conscience de soi. Les clients avec un TPB ont vraiment l’impression qu’ils sont profondément inadéquats en tant qu’êtres humains. Le TPB produit un problème central constant et insupportable de honte et de dégoût quant au sens de soi. Les mots suivants incarnent l’intensité de la perception de soi induite par la honte (mêlée à du dégoût) :

Corrompu ; déficient ; pas bon ; mauvais ; incomplet ; fragile ; indéfinissable ; déraciné ; incertain ; indigne ; vide ; haine de soi ; autodestructeur ; défaitiste …

La honte peut finir par devenir un obstacle aux affects positifs futurs. Avec le temps, si un individu ne ressent pas assez d’affects positifs (ou ne possède pas assez de réseaux neuronaux positifs qui créent des affects positifs), il finira pas ne plus y avoir accès. C’est ce qui peut se produire s’il y a des formes d’attachements évitant, ambivalent, résistant, déconnecté ou désorganisé durant l’enfance. Ces formes de traumatismes développementaux mènent à des complications de dérégulation émotionnelle. Les états émotionnels négatifs, comme la honte et le dégoût, deviennent alors difficiles à supporter. Un individu se dissociera de ces états émotionnels et deviendra inconscient. Toute forme de traumatisme peut avoir une tendance à s’accrocher à un de ces états, ou à en déclencher un en une boucle émotionnelle négative. Soit l’enfant a rarement ou jamais eu l’occasion de faire l’expérience d’un état émotionnel positif, sûr et stable avec sa mère, soit il est devenu de plus en plus difficile pour lui de se rappeler ce que ça fait de se sentir bien.

L’affect somatique d’embarras (forme comportementale modérée de l’affect de honte) peut être observé tout d’abord comme une rougeur légère, venant de la poitrine, passant par le cou et/ou montant au visage. Avec l’affect de honte, la tête et les yeux peuvent subtilement se baisser afin d’éviter le contact visuel. La honte peut aussi être ressentie comme un large élastique tendu qui tient ensemble dans une relation deux personnes et qui se fait subitement couper. Le sentiment de honte frappe alors la personne qui se dit « j’ai dû faire quelque chose de mal pour perdre ce lien. » Cela peut se produire très rapidement et être ressenti comme une énorme claque au visage, ou comme une poussé hors du centre du corps, ou comme des picotements d’horreur, comme si quelque chose tombait à l’intérieur du corps. Les enfants interprètent inconsciemment cet affect en se disant qu’ils doivent avoir tort.

Lorsque les enfants perdent ou sont incapables de maintenir de manière consistante un lien d’amour continu avec un parent, cela leur semble vraiment être la fin du monde. Cela provoque un sens d’annihilation : un sentiment de mort qui se répète, encore et encore, qui devient une partie intégrante de leur conscience de soi. Cela résulte en une perception du Soi non cohérente, qui, à son tour, crée une difficulté à réguler efficacement les émotions. Ils peuvent initialement pleurer en réaction à leur besoin d’être connectés (apaisés, se sentir bien et en sécurité à nouveau), mais avec le temps, leur système s’effondre et ils finissent par abandonner et se dissocier afin de gérer cette douleur provenant du lien rompu. Par après, cela se transforme en un déclencheur chronique d’états émotionnels d’impuissance ou de désespoir et/ou d’un état de colère qui se répète en boucle afin de se protéger et de se défendre contre l’état de honte.

Traiter le trouble de la personnalité borderline (TPB)

Le fait de travailler avec des méthodes psychocorporelles intégrées peut améliorer le travail de guérison pour les individus souffrant d’un TPB. La découverte d’indices au travers des formes d’expression préverbales ou non verbales chez un enfant durant les deux premières années de sa vie aide à guider les praticiens dans la manière de soutenir les clients avec un TPB afin qu’ils puissent rétablir une régulation stable de l’affect, et réclamer plus d’états émotionnels positifs stabilisant. Les expressions faciales, le contact visuel, le ton de la voix, les sons, le toucher, la posture, l’intensité du contact, ainsi que le rythme ou le synchronisme font partie de ces indices.

Suivent certaines suggestions d’approches qui peuvent être utilisées pour guérir un TPB grâce à de nouveaux entrainements relationnels, au développement d’une conscience de soi positive qui soutient, à la modulation des dérèglements de l’affect, à un accroissement de la contenance, au développement de limites saines, à l’intégration d’expériences somatiques découlant de protocoles traumatiques, et au rétablissement de la honte chronique.

1. Rétablir une conscience de soi positive grâce à la psychothérapie relationnelle et corporelle (comme l’analyse bioénergétique). En travaillant à développer et à modifier les connexions entre le cerveau droit et le corps, l’esprit peut ré-entrainer sa conscience afin qu’elle se transforme en un sens de soi plus fort et plus cohésif. Les nouvelles sensations corporelles des états d’affects positifs, la nouvelle contenance et l’encadrement émotionnel deviennent des passerelles afin que le cerveau droit puisse traiter les informations et comprendre le Soi comme positif et sain. S’il y a un traumatisme du développement durant l’enfance ou un choc-trauma, le thérapeute peut soutenir son client afin qu’il développe ce qui lui manque. L’utilisation d’exercices concentrés sur le corps, l’introduction d’expériences d’imitation positives nouvelles, et l’exploration des problèmes non verbaux d’attachement somatique ou d’enjeux relationnels, permettent au client de développer un lien de confiance authentique avec son thérapeute. Cela s’intègre alors à une nouvelle relation à l’intérieur de lui-même.

En se servant de méthodes encourageant les connexions corporelles positives et une régulation cohésive de l’affect émotionnel, le client comble les « trous » qui lui manquent en soutenant une connexion saine et cohérente avec le Soi fondamental. Quelques idées sont présentées ici comme exemples de travail pour développer une conscience de soi fondamentale et positive au travers de nouvelles techniques de conscience somatique.

La réalité de présence ou d’être centré et enraciné dans le corps doit être développée. La présence consiste en l’incarnation de la conscience de soi complètement présente, ici et maintenant. Les traumatismes fragmentent le Soi et défient la capacité d’être complètement présent dans tous les aspects de sa vie. S’inquiéter du futur (anxiété/peur) en fonction des traumatismes passés empêche de vivre dans le moment présent. Être centré consiste à ramener sa conscience à l’équilibre dans le corps, dans la réalité présente. Cela peut être fait en développant un témoin interne plein de compassion, en traquant la conscience sensorielle des différentes parties du Soi ou la conscience de la manière dont un individu développe sa conscience de lui-même. dans sa tête, son cœur ou son ventre, ou dans sa relation aux autres44.

Développer une pratique cohérente de lecture du corps et être davantage présent dans le corps de manière générale, peut impliquer enseigner au patient un nouveau langage permettant le lien entre sa conscience de lui-même et les sensations physiques conscientes de base comme la chaleur, le froid, la tension, la pression, des picotements, des pulsations, la douleur (pouvoir en définir le type (aigue, diffuse), la forme, la taille), etc. Ce langage peut également être enseigné en touchant le corps, en faisant régulièrement des automassages et/ou en nommant les sentiments et les sensations afin de les ancrer de manière plus cohérente dans la conscience. Un outil bioénergétique accessible est de travailler avec la plante des pieds en se servant d’une corde, d’un bâton ou de balles de textures et tailles différentes afin de soutenir une plus grande capacité d’enracinement.

Schroeter parle de l’importance de comprendre les difficultés éprouvées par les clients avec un TPB à s’enraciner à l’aide de leurs jambes et à commencer à mettre d’abord l’accent sur le sentiment de sécurité au travers de la relation avec le thérapeute. Le corps du thérapeute peut être présenté comme un nouveau contenant pour le Soi afin qu’il soit doucement enraciné, en sécurité, en plaçant le pied ou la main du thérapeute sur le pied du client, ou en plaçant le pied du client sur le ventre/les hanches du thérapeute. Schroeteer décrit l’énergie comme étant soit fractionnée « entre le haut et le bas, avec un abdomen tendu, soit entre la tête et le corps. »45. Schroeter suggère des exercices qui aident à développer des sensations d’enracinement positives et stables dans le corps, comme soutenir la tête et la région de l’occiput ou bercer le corps du client autour du corps du thérapeute lorsqu’ils sont couchés sur le côté, le client enveloppant alors le thérapeute de tout son corps46.

Pratiquer quotidiennement la conscience complète du corps au travers d’exercices d’enracinement renforce les connexions entre les parties du corps et de l’esprit qui sont fragmentées. Il est important pour un client souffrant d’un TPB de régulièrement étirer son corps, de le tendre et de sentir sa force dans son corps. Des exercices d’enracinement simples comme étirer et mobiliser les articulations, cambrer le dos dans les quatre directions et étirer la colonne vertébrale effectuant des rotations de la taille aident à rétablir la circulation sanguine, la chaleur, l’énergie tout autant qu’une relation plus cohérente entre le corps et l’esprit.

Travaillant avec un grand ballon d’exercice sur laquelle le thérapeute et le client s’assoient dos à dos, un client peut commencer à être davantage conscient de sa colonne vertébrale et à s’y connecter47. Il se sentira non seulement soutenu, mais il aura également une conscience de lui-même correspondante et commencera doucement à expérimenter une sensation de contenance, de connexion, de solidité intérieure ou de force, et l’incorporation de ses éléments (manquants ou fragmentés) sera délicatement encouragée. En ramenant la colonne vertébrale dans une relation consciente, on intègre la conscience du cerveau dans le corps d’une manière plus complète et on soutient de plus grandes connexions avec la conscience de soi fondamentale.

Puisque les formations de l’attachement insécure durant l’enfance du TPB s’installent quelque part au stade de développement de l’enfant entre 6 mois et un an, c’est le moment où son dos apprend à « se soutenir par lui-même » à mesure qu’il passe de ramper à marcher. En se concentrant sur le travail relationnel somatique avec la tête, l’abdomen et la colonne vertébrale, le thérapeute est en mesure d’intégrer la séparation entre le corps et l’esprit, entre le haut et le bas du corps, au travers de tous les stades de développement de l’attachement. Ces formes d’interventions somatiques doivent être présentées de manière répétée afin de lentement entrainer et soutenir les nouvelles informations conscientes dans le corps. Elles devraient également uniquement être appliquées par un psychothérapeute corporel formé à la conscience subtile et éthique du toucher du point de vue du travail relationnel sur le développement de l’enfant et des traumatismes, de même que du point de vue des enjeux sexuels et/ou culturels du contact physique. À travers de nouvelles expériences relationnelles et de liens affectifs somatiques sécurisant, solide et positif avec son thérapeute, le client avec un TPB peut développer un Soi fondamental positif, enraciné et cohérent.

2. Comprendre la régulation de l’affect et développer de nouvelles aptitudes pour moduler les émotions. La régulation de l’affect, l’expression physiologique de nos émotions, se forme durant les deux premières années de la vie de l’enfant. Les thérapeutes bioénergéticiens sont entraînés à être capables de montrer au client comment faire face à des expressions régulées d’émotions telles que la peur intense ou des états explosifs de colère. Les clients peuvent apprendre en prenant la responsabilité de leurs émotions. Ils peuvent alors apprendre comment les rediriger vers des manières plus saines et sûres. (La colère, par exemple, peut être exprimée en toute sécurité en frappant un matelas, des oreillers, ou en s’allongeant et en frappant avec les pieds et/ou les bras.) Il existe de nombreuses techniques qui peuvent être explorées pour gérer et ralentir les affects émotionnels intenses, ainsi que des stratégies pour éviter des sentiments tels l’envahissement, l’anxiété intense, la colère ou l’hyperstimulation.

Les thérapeutes bioénergéticiens peuvent aussi aider les clients à être davantage connectés à des émotions trop contenues ou régulées qui peuvent s’avérer plus refoulées ou dissociées. Ils peuvent guider un client afin qu’il découvre quels peuvent être les sentiments plus profonds se cachant sous un état émotionnel intense particulier, ou pouvant se révéler être la cause principale de ce qui les met dans un état émotionnel négatif.

Il est crucial pour les clients atteints d’un TPB d’apprendre à développer une gamme d’outils et de ressources, sains et positifs (voir Annexe n°4 ci-après pour davantage d’informations sur le sujet) qui les aident à se calmer, à contenir et réguler leurs états émotionnels intenses et négatifs. Cela peut être fait au travers d’une variété de techniques telles que (mais pas limitées à) :

Pratiquer des exercices de respiration subtile et profonde pour apaiser et ralentir le corps et l’esprit. À cause d’une division ou d’une contraction dans l’abdomen, le diaphragme des clients souffrant d’un TPB sera plus contracté et tendu48. La plupart des individus avec un TPB respireront davantage du haut de la poitrine, puisqu’ils sont incapables de contenir leurs sentiments plus complètement dans leur corps, et sont donc sous-régulés dans leurs émotions. En pratiquant des exercices de respiration tels que compter doucement jusqu’à 5 ou 7 à l’expiration (expirer plus longtemps pour expulser plus d’air) avant d’inspirer à nouveau. Cette technique ralentit la respiration en forçant des inspirations plus profondes au travers du bloc diaphragmatique et dans le bas du ventre.

3. Travail sur la capacité de contenir. Un aspect important de la guérison du TPB est de renforcer et de construire de nouvelles connexions pour une conscience de soi plus circonscrite et contenue. Apprendre des techniques de pleine conscience fortifie l’esprit afin qu’il reste dans le moment présent et lâche prise quant aux inquiétudes futures et quant aux schémas constant de pensées déconcentrées. Il est utile d’y ajouter un centre de méditation, de prendre des cours et/ou d’aller régulièrement en retraite pour développer ces compétences en présence d’autres personnes, puisque les énergies du groupe peuvent soutenir l’entrainement de nouveaux schémas neurobiologiques dans le cerveau.

Ecrire un journal constitue également une très bonne manière de suivre la piste, d’explorer et de réécrire leur récit personnel sur comment les individus souffrant d’un TPB se perçoivent. Cela les aide à s’accrocher aux souvenirs des éléments qui se sont fragmentés et les encourage à l’introspection, à la résolution des problèmes ou à la prise de décisions. Cela offre également des occasions de réécrire les histoires avec de nouvelles informations, grâce à une compréhension de soi à des niveaux davantage profonds et intégrés.

Le travail sur la colère et sur la mise en place de limites peut souvent se révéler être une façon cruciale d’aider à récupérer le corps. Pour de nombreuses personnes, l’affect de colère a besoin d’être réorganisé afin de soutenir le Soi et qu’il obtienne ce dont il a besoin, plutôt que de retourner cette colère envers soi, en se blessant, ou vers l’extérieur au travers de manières qui pourraient s’avérer destructrices envers les relations intimes ou de travail. Dans le contexte de traumatismes développementaux vécus dans l’enfance, la colère peut parfois être un sentiment très difficile à ressentir. Le traumatisme peut couper le sentiment de colère ou de honte de l’individu à cause de réactions figées dissociatives, nécessaires pour prendre de la distance concernant la douleur qu’ont provoquée les évènements.

Les limites ont besoin d’être enseignées en mettant l’emphase sur la manière dont on peut les percevoir avec le corps. Bien que la thérapie traditionnelle verbale puisse se révéler très utile afin de créer un récit plus clair en ce qui concerne l’identité de l’individu, le travail avec le corps peut souvent opérer plus rapidement des changements significatifs, changements qui se traduisent bien au travers des nouveaux modes de fonctionnement dans le monde extérieur. Des exercices effectués debout avec une corde disposée sur le sol, en cercle autour du client (qu’il a placée ainsi lui-même), pendant lesquels on s’avance doucement vers lui (des quatre côtés de son corps) peut nous donner une idée de la façon qu’il il répond (en observant sa respiration, ses micromouvements, ses expressions faciales, sa perception de la pression, etc., avec neutralité), ce qui lui apprend à avoir une conscience simple d’une énergie de frontière autour de son corps. D’autres exercices durant lesquels le thérapeute et le client jouent à pousser les mains de l’autre (en étant debout également) et font des mouvements où l’on repousse et où l’on tire en utilisant des expressions verbales telles que « Non », « Va-t’en » et/ou « Viens ici » simulent le stade de rapprochement de l’attachement et peuvent enseigner de nouvelles connexions corps/esprit concernant des vrais besoins du client. Le travail sur les limites peut aussi être exploré sous de nombreux autres angles, tels que les relations intimes ou professionnelles, tels qu’apprendre à écrire des contrats clairs avec les autres, ou peut-être en développant la discipline nécessaire pour organiser et maintenir un style de vie et un environnement organisés.

Le travail de Ben Shapiro se servant d’exercices bioénergétiques où on enroule et déroule le corps en chargeant et contenant peut s’avérer très utile pour les clients souffrant d’un TPB. Développés comme méthode douce pour aider à restaurer les pulsations énergétiques naturelles, les exercices de Shapiro fournissent une contenance pour construire les limites à l’aide de sensations somatiques. Certains de ces exercices aident à calmer le système, et d’autres aident à le charger 57.

Le fait de faire des voyages solo en nature peut faire vivre des expériences qui permettent d’apprendre à compter davantage sur soi-même, ce qui peut créer un espace pour le développement d’une individualisation saine de conscience de soi. Les individus souffrant d’un TPB peuvent avoir une tendance générale à trop se fondre dans les autres et à dépendre d’eux pour initier des événements ou prendre des décisions. Les explorations solo, indépendantes, incluent de simples promenades en pleine conscience dans un parc, des promenades à vélo jusqu’à des parcours isolés en pleine nature, des descentes en canoë ou en kayak. Avec le temps, un individu peut voyager plus longtemps dans la nature, partir en canoë ou camper afin de se lancer un défi personnel et faire l’expérience d’aventures positives où il est seul et indépendant.

Pour terminer, il est souvent utile de développer dans le travail sur la contenance et les limites une connexion personnelle avec une forme de spiritualité capable de transformer des attachements confus ou négatifs en une forme d’attachement stable, aimante et empreinte de compassion dans le cadre du travail de maîtrise de soi ou portant sur les limites. Par exemple, passer d’une expérience d’une mauvaise mère à une forme positive de « Mère Divine » peut être très utile et libérateur.

4. Travailler lentement et doucement avec les sensations physiques liées aux protocoles traumatiques : ressourcement, titrage, renégociation, contre-vortex guérisseur/de l’affect positif versus le vortex traumatique/de l’affect négatif (cette section s’inspire grandement du travail de Peter Levine)58.

Ressourcement. Il devient important de redéfinir ce que signifie « être dans le corps » afin de pouvoir ressentir et guérir les états d’affect négatif. Les sensations corporelles, la peur, la colère, la honte, l’abandon et/ou le rejet accompagnent souvent en combinaison, les traumatismes ou les blessures développementales de l’enfance. Afin de défaire ces relations négatives, d’abord apprendre dans son corps des expériences de sécurité et de plaisir. Le client doit « repartir à zéro » pour apprendre à contenir, à réguler ou à négocier l’intensité de ses émotions négatives. Cela finira par lui donner une certaine mesure de contrôle et de sécurité lui permettant se sortir par lui-même des états émotionnels et sensoriels négatifs qu’il connaît. Levine appelle cela le Ressourcement, et il y a de grandes variétés d’outils qui peuvent être implémentés pour atteindre ce but et se reconnecter à des états d’affect positif59.

Puisque les traumatismes provoquent souvent des symptômes de TSPT, le corps peut rester coincé dans un ou plusieurs états d’affects négatifs. La colère ou la honte sont souvent ressenties comme des sentiments négatifs, mauvais ou inconfortables. Se sentir submergé par trop de sentiments intenses à la fois fait partie de la réponse d’affect de peur. S’il y a traumatisme, la peur crée une réaction de combat, de fuite ou d’immobilité. Lorsqu’on se fige, il y a une sensation d’engourdissement (être présent au cœur du traumatisme, mais être incapable de bouger ou de répondre par le combat ou la fuite) ou une dissociation (lorsque la conscience quitte le corps et qu’il ne reste aucun souvenir de l’événement). Ce sont des mécanismes de protection instinctifs qui gèrent le traumatisme causé par un événement.

Lorsque le corps est coincé dans un état figé, il est possible d’en revenir en traversant doucement les actions physiques de combat ou de fuite dans le corps. Cela permet à l’énergie de se libérer et de circuler à nouveau. Il peut arriver que des individus soient coincés pendant des années, leur énergie affective gelée, figée, leur torse ou leur colonne vertébrale tordus, avec des trémulations de certaines parties du corps ou une sorte d’engourdissement dans un membre, etc. Avec le traumatisme, ou avec la honte, la peur qui s’en dégage pousse une partie du Soi à quitter la conscience du corps. C’est également ce qui provoque une douleur émotionnelle ou un inconfort intense qui peuvent déclencher des comportements d’auto-blessure là où la colère apparaît afin d’essayer de créer un changement et qu’elle se heurte à un blocage, ou à l’énergie traumatisée emprisonnée. La colère s’attaque alors au Soi, l’individu se scarifiant pouvant même se rendre jusqu’au suicide.

Dans un corps traumatisé, les sensations physiques peuvent initialement être interprétées comme des sensations négatives. Le sentiment d’être submergé est une réponse liée à la peur. Il n’est pas agréable de se trouver dans le corps, s’il est terrifié. Apprendre comment visualiser et ressentir des sensations positives dans le corps est au centre de l’attention, afin de se réapproprier le travail de régulation émotionnelle du corps et de l’esprit. Des ressources positives peuvent être utilisées pour créer de nouveaux systèmes afin de permettre au système traumatisé de s’apaiser lui-même et de réguler sa nature submergée. Sous cet angle, les addictions (telles que l’alcool, la cigarette, les drogues, la nourriture, etc.) peuvent être perçues comme des façons de réguler l’affect de forte anxiété et permettre à l’individu de s’apaiser. Si un thérapeute travaille avec un client qui a subi une quelconque forme de traumatisme, lui retirer une addiction prématurément, autrement dit avant que d’autres ressources puissent être introduites, assimilées et se révéler efficaces, fonctionne rarement.

Pour un client avec un TPB, dès que la menace d’automutilation est sous contrôle, le principal objectif est de lui enseigner des techniques pour qu’il puisse s’apaiser seul, afin de gérer le dérèglement de ses affects émotionnels. Les individus souffrant d’un TPB sont extrêmement sensibles et il est très facile de les faire réagir. Leur apprendre qu’ils n’ont pas à se sentir comme des victimes ne contrôlant pas leur labilité émotionnelle leur donne de la force, du pouvoir. En réalité, lorsqu’ils apprennent à contrôler leurs états émotionnels intenses grâce à des nouvelles relations ou à différentes formes d’exercices qu’ils peuvent pratiquer seuls leur donne de l’espoir. Ils peuvent aussi avoir une meilleure compréhension de ce qu’ils peuvent faire pour interrompre de plus en plus rapidement des états émotionnels négatifs de leur système.

Titrage : Réorganisation. Le ressourcement positif doit être enseigné doucement et prend du temps à être assimilé puisque tout sentiment (positif ou négatif) produit une charge d’énergie dans le corps et y crée de ce fait davantage d’oxygène et de vie. Alors, ce qui peut activer une réponse qui submerge le patient, qui peut vite se transformer en panique, en engourdissement ou en dissociation.

Le titrage, autre terme emprunté à Levine60, est une pratique standard pour ce genre de travail. Le fait de permettre qu’une goutte à la fois entre dans le système peut réorganiser lentement et en douceur l’expérience originale en vue d’intégrer un sentiment de sécurité dans le corps. Comme Jacqueline Carleton l’explique, il s’agit de « […] faire une pause pour permettre au système nerveux de commencer un nouveau cycle et d’éviter la régression iatrogénique, liée au traitement, et à répétition. Cela peut être effectué de nombreuses manières : en ressourçant dès le début et, à mesure qu’on avance, en demandant au patient de se concentrer sur le présent, au travers de n’importe lequel des exercices d’enracinement et de stabilisation »61.

L’étape suivante est de mettre en place de nouvelles ressources d’information qui encouragent le corps et l’esprit à se connecter à des états émotionnels de sécurité, de plaisir et de connexion. Pour l’humain, il est essentiel d’apprendre à calmer son corps rapidement lorsqu’il est envahi par la peur, la colère, l’impuissance ou le désespoir, afin de comprendre comment réguler les états d’affect d’émotions intenses.

Renégociation : Le contre-vortex guérisseur/de l’affect positif versus le vortex traumatique/de l’Affect négatif62. À cause d’une sensibilité exacerbée aux états émotionnels négatifs chez l’individu souffrant d’un TPB, le système sera facilement submergé, ce qui pourrait être ressenti comme si l’individu retombait dans les « vieux » (provenant du passé) sentiments : de négativité, de désespoir, d’impuissance, d’annihilation, d’auto-sabotage, de rejet, d’épuisement, d’effondrement, et/ou de contraction. Il se peut alors que la rechute soit ressentie comme si le traumatisme passé ou l’interruption de la stabilité émotionnelle s’était introduits dans la réalité présente. Pour travailler avec un concept de contre-vortex guérisseur/de l’affect positif, il faut avoir un nombre d’outils de ressourcement différents afin de contrebalancer le vortex traumatique/de l’affect négatif (Levine 1994).

Une fois que le corps commence à apprendre à se sentir en sécurité et a ressenti à plusieurs reprises le plaisir et le calme, on peut alors permettre à des états émotionnels négatifs plus intenses d’entrer en thérapie afin de les réorganiser. Il s’agit d’un processus appelé renégociation (Levine, 1994), travail fondamental pouvant réintroduire une régulation émotionnelle dans un système déréglé.

Le fait de penduler entre le vortex traumatique/de l’affect négatif et le contre-vortex guérisseur/de l’affect positif (Levine 1994) permet à une douce amélioration de contenir et de transformer les déclencheurs de ruptures en sensations nouvelles et positives.

L’introduction de l’humour ou d’approches plus légères pour encourager une reconnexion avec le corps peuvent également se révéler extrêmement utiles pour transformer, réduire ou changer les états d’affects négatifs, parmi lesquels des réponses de fuite, de combat ou d’immobilité que peut produire l’essai d’intégrer conscience et émotions. Ce qui permet de développer peu à peu une capacité à moduler d’une manière plus douce l’autorégulation de l’affect avec le corps.

5. Guérir la honte chronique. L’acceptation et le respect de soi sont de vrais antidotes contre la honte. En acceptant le Soi avec ses défauts et ses aspects négatifs (qui incluent la honte, le dégoût et/ou la haine), nous développons une forme de respect de soi qui nous permet de supporter ces sentiments, « plutôt que de souffrir des conséquences de cette lutte contre eux »63. Helfaer met l’emphase sur l’importance de comprendre comment les pôles du Soi idéalisé/auto-dénigré peuvent être interprétés dans la dialectique du narcissisme à travers le besoin d’être perçu comme spécial (pôle positif), ou sans valeur (pôle négatif)64. La saine intégration du Soi positif et négatif développe le respect de soi.

Il faut explorer avec le client ses histoires honteuses, mais aussi ses récits courageux dont il peut être fier. Soutenir un client avec un TPB afin qu’il revendique un récit de son passé honteux l’aide à lier et à reconnecter les parties fragmentées de lui-même en un tout cohésif. Cela doit être fait par un thérapeute avec lequel il a développé un lien de confiance et d’attachement. Utiliser les protocoles traumatiques cités ci-dessus réorganisant les ressources positives à l’intérieur des réactions somatiques de honte, dissout doucement les trous ou les blocages dissimulés que la honte crée dans la conscience fondamentale de soi chez les clients avec un TPB.

En accompagnant les récits de honte d’histoires de courage et de fierté, le thérapeute contribue souvent à restructurer les fragments de l’histoire honteuse grâce à une acceptation bienveillante, qui ne juge pas, modifiant ainsi les réseaux neuronaux du cerveau à l’aide de sentiments positifs. Dévoiler une histoire honteuse d’un client avec un TPB peut doucement transformer sa honte chronique en une conscience de soi plus joyeuse, plus fière ceci grâce au reflet corporel relationnel essentiel que le client rencontre dans le regard attentionné et compassionné du thérapeute qui le « voit » alors qu’il en parle.

Lorsqu’un client partage ses histoires de honte et de fierté devant des groupes, cela permet à la communauté de le voir également avec compassion, avec une compréhension commune importante. Parce que la honte est si souvent cachée du Soi, comme perdue, le fait d’entendre les histoires d’autres membres dans un groupe peut offrir des indices additionnels quant aux parties fragmentées et dissociées manquantes chez un patient avec un TPB. Ce type de travail de groupe a le potentiel de transformer la honte à des niveaux plus profonds et mettre en valeur les parties non-exprimées face à la honte.

En plus, bien que ce ne soit pas du domaine habituel de la psychothérapie, le thérapeute psychocorporel désire aider le client à vivre une vie équilibrée. Il peut se révéler intéressant et complémentaire à la thérapie de recommander de consulter des spécialistes en nutrition ou en pharmacie, spécialisés dans les produits naturels. De nombreux individus avec un TPB sont très sensibles ou intolérants au sucre et/ou à d’autres types de nourriture. Un régime sain et naturel soutient une régulation émotionnelle plus harmonieuse et aide au processus de guérison. En outre, à cause de leur sensibilité exacerbée, ils seront probablement très affectés par les énergies électriques et électromagnétiques, ainsi que par l’alcool et les autres drogues. Ces éléments peuvent constamment déstabiliser leur énergie et les faire entrer dans des états émotionnels négatifs brouillant les énergies du corps et de l’esprit, ce qui a pour résultat une incapacité encore plus grande à se concentrer ou à penser clairement65.

Le contre-transfert corporel du thérapeute auprès des TPB

Il existe de nombreuses occasions pour le thérapeute psychocorporel d’être conscient d’enjeux contre-transférentiels ou de contre-transferts somatiques lorsqu’il travaille avec des patients souffrant d’un TPB.

En général, les enjeux de contre-transfert avec de nombreux clients tout autant qu’avec les personnes souffrant d’un TPB peuvent s’adresser aux difficultés suivantes concernant le respect des frontières 66 :

  • Un thérapeute peut être entraîné dans des comportements sexuels ou plus intimes à cause de limites éthiques mal définies.
  • Il se peut que le thérapeute offre des auto-divulgations inappropriées et ne soit pas capable de garder une limite « d’informations personnelles » pour lui-même.
  • Les transgressions éthiques peuvent s’accompagner d’un sens de responsabilité exacerbé pour le client, essayant de résoudre des problèmes qui ne le regardent pas.
  • Avec les clients souffrant d’un TPB, il peut y avoir quelques problèmes de contre-transfert additionnels67 :

  • Le thérapeute peut être happé, relâchant ses limites professionnelles, et devenir trop impliqué avec leur patient souffrant d’un TPB.
  • Le thérapeute peut être manipulé afin de donner au client une attention particulière parce qu’il est perçu comme spécial, ainsi que pour repousser les réponses colériques du patient.
  • Le thérapeute peut commencer à développer des limites trop flexibles en dépassant le temps imparti pour la séance, en permettant des coups de téléphones excessifs et supplémentaires, en envoyant des courriels ou des messages entre deux séances, en repoussant le paiement ou en ne faisant pas payer ses honoraires. Il peut s’agir d’un processus complexe pour un thérapeute que d’énoncer clairement ce qui lui appartient et ce qui appartient à son client. Bien que cela soit vrai de manière générale, cela peut se produire plus souvent avec des patients souffrant d’un TPB à cause de leur propre manque de clarté au niveau de leurs limites personnelles. Selon la gravité de leurs blessures, un thérapeute professionnel peut avoir besoin de soutien supplémentaire en travaillant sur le contre-transfert sous supervision personnelle, ou en cherchant du soutien dans sa propre thérapie et/ou en supervision de groupe.

    Un problème significatif de contre-transfert peut apparaître quand un psychothérapeute ressent des sentiments alternés de peur, de colère, de désespoir qui existent chez le client avec un TPB mais qui sont dissociés de leur conscience. Cela peut être ressenti d’un point de vue somatique, dans le corps du thérapeute, pendant ou entre les séances.68 Afin d’être en mesure de répondre efficacement à un client avec un TPB, il est important pour le thérapeute de devenir conscient de sa propre histoire avec le désespoir ou la colère, et de comprendre clairement comment ces états émotionnels se manifestent physiologiquement pour lui ou la façon dont ils peuvent être agis.

    « Ils [les clients souffrant d’un TPB] peuvent provoquer des sentiments de désespoir et de colère chez la personne qui s’occupe d’eux. Il est, dès lors, vital de fixer et renforcer des limites afin que le thérapeute puisse rester impliqué, compatissant, stable et cohérent (Oldham, 1990, p. 306). Sperry (1995, pp. 65–66) mentionne quatre points qui font consensus lorsque l’on s’occupe d’individus avec un TPB :

    – Le thérapeute doit activement identifier, confronter et diriger les comportements du client ;

    – L’environnement thérapeutique doit être stable ;

    – Le client avec un TPB doit apprendre à connecter ses actions à ses sentiments ;

    – Les comportements autodestructeurs doivent être rendus dévalorisants ;

    – Les sentiments de contre-transfert doivent faire l’objet d’une attention particulière. »69

    Le déclenchement contre-transférentiel de la colère chez le thérapeute est un affect avec lequel il est difficile de travailler. Il se peut que le client veuille « jouer » à générer des conflits sans se rendre compte. À cela, il y a deux façons de réagir. La première est le désir naturel de responsabiliser le client. La seconde est de mettre davantage l’accent sur ce qui est présent dans son corps, comme thérapeute, en termes de concentration et d’intensité, afin de maintenir une connexion, d’être plus présent à soi, plutôt que de s’en déconnecter. Afin de travailler avec ceci, il est important de se centrer sur soi-même et simplement de ne pas réagir à l’autre. Ainsi, commençant par vous, vous avez la possibilité de diminuer votre tension, de vous centrer rapidement sur le client, d’accepter son point de vue différent du vôtre. Vous allégez les énergies conflictuelles en présence.

    La meilleure façon de travailler avec les états alternés de colère et de désespoir est de commencer par nommer peu à peu les états émotionnels présents dans votre corps et demander au client s’il ressent quelque chose de similaire dans son corps. Il est important de le faire à plusieurs reprises puisqu’il est probable qu’il se déconnecte ou se dissocie de sa capacité à ressentir cet état au début. Préparez-vous à faire face au déni quand vous commencez, et ne vous laissez pas arrêter. En ce qui concerne l’état d’impuissance, il suffit de le nommer lorsqu’il se présente, de ne pas montrer votre propre peur, de ne pas être envahi de panique ou happé par le désespoir devant le blocage. Il est important d’être capable, comme l’est la mère ou le parent, de « souligner » les sensations corporelles et les sentiments les reflétant le plus fidèlement possible ceci à l’aide de votre voix, de vos tonalités et de votre langage corporel. Cela permettra au client d’être simplement présent à cet état de désespoir à l’intérieur de lui sans se juger au travers d’une honte défensive ou dissociée. Ainsi, vous l’invitez, à l’aide de douces techniques d’auto-guérison, à ressentir de nouveau sécurité et plaisir, et à se ramener à un état émotionnel positif dans le corps.

    Un client avec un TPB peut créer chez son thérapeute « […] un maelström de sentiments de mort, de vide, de désespoir ou de terreur dont on ne peut s’échapper »70. Scott Baum parle du concept de « meurtre de l’âme » comme effet direct de la terreur dans le corps qu’un patient avec un TPB peut ressentir suite à la formation précoce d’un traumatisme relationnel développemental durant l’enfance. Il le décrit comme un sentiment direct d’annihilation qui donne l’impression d’être un « mort vivant » à l’intérieur. Baum considère qu’il est essentiel pour le thérapeute de demeurer présent lors de ces états émotionnels négatifs terribles et intenses (parmi lesquels on retrouve également l’impuissance, l’abandon, le rejet, la honte, le dégoût, la haine, etc.). Il est important d’être en mesure de nommer et de valider ces affects négatifs et d’affirmer la vérité réelle du sentiment d’agonie qu’ils produisent. Ceci donne au client une nouvelle occasion d’apprendre comment émerger de ces affects négatifs et de parvenir à une connexion positive entre le Soi et l’autre, à l’aide d’une relation transformationnelle de guérison avec son thérapeute.

    Voici une liste des différents états émotionnels qui peuvent être ressentis somatiquement par un thérapeute comme une réalité contre-transférentielle potentielle avec un client qui a un trouble de la personnalité borderline. Il est important d’être très familier avec ces différents états et la sensation qu’ils procurent dans le corps du thérapeute, afin que lorsqu’ils sont ressentis par le client, le thérapeute puisse saisir des indices sur ses propres états vécus au plan corporel, ce qui augmente la connaissance des sentiments que le client ressent. S’appropriant ses propres états émotionnels somatiques, ces indices peuvent être explorés par le thérapeute, se réappropriant ce qui lui appartient, c’est-à-dire ses états somatiques personnels liés à l’affect émotionnel. La supervision avec un thérapeute bioénergéticien ou d’orientation psychocorporelle, peut grandement l’assister dans ce processus.

    La colère

    Les clients avec un TPB peuvent souvent ressentir de la colère et de l’agressivité. Ils peuvent également nier leur auto-sabotage ou leur colère et créer une dynamique où ils poussent les autres à exprimer leur propre colère. Une réponse honteuse peut être facilement déclenchée, et peut être déviée vers la colère, la reléguant ainsi à une émotion secondaire, afin de se protéger et éviter de se sentir mal à propos d’eux-mêmes. Ces clients peuvent se montrer très destructeurs, et leur colère peut devenir hors de contrôle avec très peu de régulation de l’affect pour modérer certaines situations si nécessaire. Leur agressivité massive peut être interprétée comme une colère sous-jacente, chronique et inconsciente envers l’absence, l’abandon et/ou le rejet du parent qui fut la première personne à s’occuper d’eux.

    En tant qu’émotion secondaire, d’autres douleurs émotionnelles comme la peine, la peur ou la honte peuvent se dissimuler sous la colère. Cette colère peut aussi coexister avec une ou plusieurs de ces émotions secondaires. C’est parfois le cas, mais cela complique l’identification de la vraie source de cette colère et de ce que ce message véhiculé par la colère peut essayer d’exprimer chez le client. Le corps essaie de trouver un certain équilibre. La colère peut parfois être considérée comme une information émise par le corps concernant un besoin qui n’est pas clairement identifié.

    La colère se manifeste généralement parce que nous n’obtenons pas ce que nous voulons. Nous voulons que quelque chose change afin d’être soulagés d’un inconfort émotionnel négatif dans notre corps. La colère peut déclencher des choses. Elle peut être un élément de changement accompagné d’une dépense d’énergie. Certaines personnes apprennent que, avec la colère, il y a une force qui peut les amener à obtenir ce qu’ils veulent.

    Leur apprendre l’introspection peut mettre en route le processus d’assouplissement des blocages que le message véhiculé par la colère crée à l’intérieur du corps. Les questions que l’on peut poser pour aider un client sont :

    Qu’est-ce que je retiens à l’intérieur ?

    À quoi est-ce que je me retiens ?

    De quoi ai-je besoin ici ?

    Qu’est-ce que je n’obtiens pas ?

    De quoi ai-je peur ?

    Qu’est-ce que j’essaie d’éviter de voir ou de ressentir ?

    De quelle chose ou sentiment est-ce que j’essaie de me cacher ?

    Afin de gérer les contre-transferts somatiques, il est utile d’être capable de lire les expressions inconscientes de colère que notre corps laisse transparaître. En se concentrant uniquement sur l’affect de la colère, son expression dans le corps peut être perçue au travers la tension ou la contraction de tissus et de muscles. Il existe de multiples variations de ces signes, comme par exemple rougir (les tissus de la peau rougissent sous l’afflux sanguin et sont contractés), froncer le visage (les muscles de la bouche tirés vers le bas, contractés), crier (les muscles de la gorge se tendent), et/ou balancer les bras pour frapper (les muscles des bras et les mains se tendent et se contractent).

    Un individu peut cacher, réprimer ou supprimer un affect de colère de nombreuses façons : tendre les muscles des épaules, contracter la mâchoire, serre les poings, taper du pied, ou se sentir agité. Les symptômes du syndrome du côlon irritable peuvent être provoqués par des tensions dans les intestins liées à des sentiments de peur ou de rancune71. La médecine traditionnelle chinoise suggère que les problèmes de foie peuvent être provoqués par un déséquilibre induit par la colère, et les problèmes de vésicule biliaire pourraient être liés à un sentiment de rancune ou de colère72. Les irritations de la peau (eczéma), l’inflammation des muscles ou l’arthrite peuvent être des expressions somatisées de la colère ou de la rage. De cette manière, la colère peut être somatisée dans le corps sans que l’esprit n’ait même conscience de son existence.

    Il est également utile d’établir un lien stable de confiance avec un client souffrant d’un TPB, et de créer des ressources positives de reconnexion avant de défier les stratégies défensives de la boucle continue de la colère. Pour commencer à démêler la complexité de leurs états émotionnels négatifs, soyez conscient que leur défense au travers de la colère leur a permis de survivre jusqu’à la thérapie. Cela peut aussi s’avérer utile pour leur expliquer que cette colère essaie de les protéger de ce qui s’est passé avant, mais qu’il est temps de la laisser partir, de la réorganiser et de la transformer afin d’être plus efficace dans leur vie actuelle.

    Il est crucial de comprendre comment travailler avec la très forte sensibilité d’un client avec un TPB. Craignez-vous de déclencher chez votre client un état de colère ou de rage au moindre mot ? Essayez de ne pas être sur la défensive. Retirez-vous, faites quelques exercices subtiles de respiration durant la séance pour revenir à votre propre présence corporelle. Concentrez-vous sur le fait de refléter leur état de colère sans jugement au travers de vos expressions faciales ou du ton que vous employez. Montrez votre préoccupation et répétez leurs mots ou expliquez leurs réactions corporelles liées à l’état de colère. Aidez-les à faire le lien entre les états observés et ce qu’ils essaient d’exprimer au travers d’elle. Soyez cohérent et clair en ce qui concerne vos limites, ce dont vous avez besoin pour être en sécurité, et maintenez ces limites. Ils ont besoin de sentir vos limites pour se sentir en sécurité eux-mêmes.

    L’abandon

    Les clients rateront peut-être des rendez-vous ou trouveront difficile de rester présents et concentrés durant les séances. Remarquez-vous qu’ils s’interrompent, se figent ou s’absentent pendant quelques secondes alors qu’ils sont en train de parler ? C’est un signe de dissociation qui peut également être considéré comme un abandon d’eux-mêmes. Il s’agit d’une réflexion sur ce qui leur a été fait par le passé et ce qui se passe à l’intérieur d’eux-mêmes à l’instant présent.

    Leurs expressions somatiques d’abandon sont la manifestation d’une déconnection de la conscience de soi. C’est un sentiment d’extrême solitude et d’isolement. Vous (ou votre client) pouvez ressentir comme si vous étiez dans un état de rêve, ou déraciné dans la conscience de vous-même ou dans votre corps. Il se peut également que vous ne ressentiez rien du tout dans votre corps, ce qui est souvent un signe important de dissociation chez le client. La colère peut également répondre à l’abandon. Cependant, en ce qui concerne les traumatismes développementaux précoces, la colère de l’enfant peut n’avoir reçu aucune réponse, auquel cas elle devient dissociée chez le client adulte et est dès lors plus facile à ressentir dans le corps du thérapeute.

    Vérifiez et demandez-vous si vous vous sentez irrité par leur abandon, leur dissociation ou par le fait que vos patients nient leurs problèmes ? Ressentez-vous consciemment la colère dissociée de vos clients (d’avoir été abandonné) ? Ou, au contraire, ne ressentez-vous rien ou avez-vous l’impression d’être seul durant la séance avec ces clients, essayant peut-être trop de les amener à faire quelque chose ? Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’états fragmentés, d’abandon chez vos clients.

    L’annihilation

    L’annihilation donne l’impression que la personne que vous êtes ou que votre point de vue n’existent pas. Vous avez l’impression d’être invisible, que personne ne vous écoute, que personne ne vous voit. Le client peut se sentir comme un fantôme dans un corps invisible. Il s’agit là d’un sentiment tellement intolérable et terrifiant que la plupart des personnes s’en dissocient. L’annihilation a des états somatiques similaires à l’abandon avec pratiquement aucun sentiment dans le corps. En tant que thérapeute, avez-vous l’impression de ne pas exister aux yeux de votre client, ou que votre travail/votre influence semble avoir peu ou aucun impact sur ses progrès ? Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’un client dans un état d’annihilation.

    L’égarement et de confusion

    L’égarement est un sentiment où l’on se sent perdu ou confus en ce qui concerne ce que l’on est censé ressentir ou ce qui se passe. Le sentiment de confusion peut être provoqué par des sentiments constants d’étouffement ou par trop d’émotions. Ceci peut être expérimenté comme une sorte d’état de choc. Vous (ou le client) vous sentez rêveur, en dehors de la réalité. Les yeux du client peuvent être écarquillés, comme dans un état de surprise ou de frayeur, ou bouger sans cesse, essayant de comprendre quelque chose qu’il n’est pas en mesure de saisir. Le corps peut aussi se sentir engourdi, ou ne rien ressentir du tout, se dissociant ainsi d’états émotionnels variés et trop troublants. Dans ce cas, en tant que thérapeute, êtes-vous incapable d’être conscient de ce qui se passe dans votre corps lorsque vous êtes avec ce client ? Ou encore, vous sentez-vous coincé, égaré ou désorienté lorsque vous êtes avec lui ? Est-ce que votre client vous fait vous sentir un peu fou (en passant par de nombreux états émotionnels différents, sans cesse et très rapidement) ? Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’un client dans un état d’égarement ou de confusion.

    Le désespoir

    Il se peut que vous vous sentiez démuni quant à savoir quoi faire ou comment répondre à votre client lorsqu’il est coincé dans un état de désespoir. La capacité à demeurer présent à un patient souffrant d’un TPB lorsqu’il expérimente un sentiment de désespoir intense peut s’avérer très difficile pour la plupart des gens. Peut-être avez-vous envie d’arrêter de travailler avec ce client ? Ou avez-vous l’impression que vous ne pouvez plus rien faire pour lui ? Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’un client désespéré aux prises avec un profond état d’impuissance.

    Êtes-vous familier ou êtes-vous capable de rester présent à cet endroit intérieur où se vit votre propre désespoir ? Êtes-vous en paix avec ce lieu, l’avez-vous consciemment accepté en tant que partie intégrante de vous et de la condition humaine ? Êtes-vous capable de vous asseoir avec d’autres personnes, acceptant et ressentant de la compassion et/ou ayant de l’espace pour cet état émotionnel ? La thérapie personnelle du thérapeute au cours de laquelle il explore ces états d’affect intenses et difficiles peut se révéler utile ou nécessaire pour soutenir ce travail profond avec les autres.

    Le dégoût

    L’affect de dégoût remonte des profondeurs du ventre et il peut donner une impression de nausée ou d’être sur le point de vomir. La bouche peut se froncer, le visage se rider, se crisper, la langue légèrement sortir, mimant. imitant ainsi le réflexe de régurgitation. Le nez peut se plisser un peu comme si on sentait quelque chose de mauvais. Le dégoût est lié à l’aversion pour soi ou à la haine au centre de soi. Peut-être n’aimez-vous pas votre client ou détestez-vous travailler avec lui ? Ou peut-être savez-vous simplement que vous vous sentez mieux que ce client. Vous sentez-vous supérieur à lui ? Quelque chose chez le client vous dégoûte ? Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’un client dans un état de dégoût de lui-même.

    La peur/le sentiment d’être submergé/la terreur

    L’affect de peur possède un continuum d’expression qui va du sentiment d’être légèrement submergé par les émotions, en passant par une anxiété moyenne, des attaques de panique occasionnelles, des peurs variées et des phobies, à une terreur extrême. La peur a pour effet le retrait de l’énergie de la périphérie du corps vers le centre du corps entourant les organes et les viscères. L’image d’un état de peur complet est celle du corps couché, recroquevillé sur lui-même en position fœtale. Le corps et la conscience de soi se contractent tous les deux. Précédent cet état, le corps s’est mis en état de combat, de fuite ou d’immobilité. Lorsque la contraction est complète, le corps est figé et peut alors se dissocier des états émotionnels.

    La terreur est un sentiment de peur plus intense, celui de nous effondrer et de perdre le contrôle. Cet état peut provoquer un dérèglement émotionnel complet.

    À nouveau, utilisez votre conscience somatique à la recherche d’indices sur l’état du client. Une peur dissociée ou peut-être une raideur ou une sensation de constriction dans votre corps ou dans le corps du client quand vous l’observez ? Il peut parfois être envahissant d’être avec un client avec un TPB car leurs états d’affect intenses et leur humeur labile peuvent constituer un véritable défi pour la plupart des gens. Avez-vous envie de crier à l’intérieur de vous-même lorsque vous êtes en présence de votre client ou pouvez-vous ressentir ses propres cris intérieurs de peur/terreur ? Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’un état de peur/terreur chez votre client.

    L’auto-sabotage

    L’auto-sabotage est une forme de colère inconsciente que les patients agissent et qui finit par les blesser. L’auto-sabotage prend place lorsque l’énergie de colère implose et qu’elle est redirigée vers l’intérieur (faisant partie d’une réponse de honte), et, que sans le savoir, elle finit par blesser ou détruire quelque chose pour le patient. Cela se produit lorsque la colère est déformée ou réprimée et qu’elle ne fonctionne pas de manière constructive pour aider le patient à obtenir ce qu’il désire. L’auto-sabotage questionne davantage les actions nocives du client plutôt que leur expression somatique. Cependant, les comportements qui causent du tort, comme se blesser soi-même, s’automutiler, sont une forme somatique de nuisance au corps alors que la colère implose et qu’elle est dirigée vers l’intérieur.

    Avez-vous la sensation d’être en colère avec vous-même pour avoir fait une erreur avec votre patient ? Ou peut-être laissez-vous paraître de l’irritation ou avez-vous échappé une remarque critique envers lui ? Peut-être avez-vous fait une erreur parce que vous vous sentiez envahi par l’intensité de sa colère ou de ses peurs Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’un client dans un état d’auto-sabotage.

    La rage

    La rage est une émotion différente de la colère. Sous la rage se cache le désespoir. Si elle est pleinement exprimée, les sentiments corporels peuvent devenir complètement déréglés. La rage peut aussi être liée à la terreur. Il s’agit d’une expression de l’instinct de survie provenant d’un passé lointain. L’expression somatique de la rage est un cri qui traverse le corps tout entier. Pour soutenir les clients lorsqu’ils expriment leur rage, vous devez leur permettre d’être soutenus par votre présence, afin qu’ils puissent la démonter par des cris de douleur et trouver un endroit de paix après l’avoir laissé s’échapper de leur corps.

    Un peu comme pour la peur, pouvez-vous sentir un cri dans le corps de votre client ? En tant que thérapeute, avez-vous envie de hurler lorsque vous êtes avec votre client ? Est-ce que votre client vous fait parfois vous sentir tellement en détresse que vous ressentez l’envie de crier ? Si c’est le cas, il se peut que vous soyez en présence d’un client qui se débat dans un état de rage dissocié.

    Le rejet

    L’expérience physique du rejet est vraiment intense et la plupart des gens ne veulent pas ressentir cet état émotionnel négatif. Un client peut avoir l’impression de ne pas pouvoir respirer ou d’être en train d’étouffer. Il peut avoir l’impression que son cœur est déchiré en deux ou brisé en mille morceaux, ou que son corps s’émiette et que tous ses muscles sont secoués de spasmes. Cela peut être semblable à la douleur d’un coup de couteau affuté, ou à une claque au visage.

    Avez-vous l’impression de juger, ou ressentez-vous du dédain ? Est-ce qu’il vous arrive d’accidentellement faire se sentir mal ou incorrect votre client durant une séance ? Êtes-vous conscient de votre propre histoire ou de vos sentiments concernant le rejet dans l’histoire de votre conscience somatique ? Il se peut que votre client soit dans un état aigu ou chronique de rejet, coexistant probablement avec des états de honte et/ou d’abandon.

    La honte

    Comme expliqué précédemment, l’effet physique de la honte peut être observé : la tête subtilement tournée vers le bas, les yeux baissés, le contact visuel évité.

    Faites-vous des erreurs embarrassantes, ou avez-vous l’impression que vous ne pouvez jamais rien réussir avec votre client ? Il peut être interpellant de se connecter avec la honte dans le contre-transfert somatique du thérapeute. Si vous êtes familier avec les états somatiques de votre propre histoire avec la honte, il sera plus facile pour vous d’identifier ce que vous ressentez lorsque vous travaillez avec votre client. La honte que vous ressentez peut être la vôtre ou appartenir à votre client qui se trouve dans un état de honte dissocié.

    Résumé des enjeux cliniques de contre-transfert

    Pour nous psychothérapeutes, il peut être vraiment soutenant d’utiliser une approche plus corporelle lorsque l’on travaille avec des clients avec un TPB. L’autorégulation peut être enseignée, à l’aide de la conscience des sensations corporelles, à les lier aux expressions physiologiques des émotions, puis de là aux schémas conscients de la pensée. Les signes non verbaux se révèlent être des portes d’entrée pour la compréhension de ce que le corps tente vraiment d’exprimer au travers des schémas physiques traumatiques. Il est également important de laisser le client mener le processus avec sa capacité à rester présent durant le travail (et donc ne pas se dissocier), et de le laisser gérer le lent travail de recupération de la conscience des sensations corporelles. Le fait de prendre le temps de comprendre la neurobiologie de l’attachement et de chercher la manière dont la création de liens peut être restructurée à l’aide de contacts visuels, de présence, d’un reflet authentique du Soi du client, de la sensation de sécurité, de touchers doux et empreints de compassion et/ou de contacts respectueux dans le cadre d’un travail de régulation de l’affect, constitue un vrai soutien pour le thérapeute. La réparation à l’aide de la resynchronisation somatique est possible, et elle rétablit une confiance de base, une régulation émotionnelle et une saine maturation du Soi73.

    Parvenir à la guérison d’un système déréglé nécessite la capacité d’apprendre à avoir confiance, qu’en laissant les clients aller dans des états émotionnels négatifs intenses, ils seront naturellement capables de revenir dans un état plus régulé. Ils peuvent devenir profondément déréglés (par exemple, avoir des réviviscences, s’effondrer). Cependant, se servant des compétences de ressourcement positif qu’ils ont pratiquées, ils apprennent ce qu’est la sécurité et comment être confiants en leur capacité à revenir à nouveau en un lieu de régulation cohérente. Cela leur permet de construire lentement une contenance plus forte de leur estime d’eux-mêmes, et de la transformer en un tout, nouveau et intégré, qui inclut et transforme doucement l’intensité du dérèglement de leurs états émotionnels négatifs.

    La relation authentique et directe avec le psychothérapeute est aussi un élément important pour la guérison d’un lien d’attachement brisé précoce de clients avec un TPB. Il peut être utile pour le praticien de refléter à ses clients qu’un conflit peut parfois être une occasion de réparer une rupture ou une boucle de déconnexion du passé, et de grandir à l’intérieur d’une connexion plus cohérente et permanente avec leur Soi dans le présent. Apprendre à réparer la confiance perdue avec « l’autre » et la regagner à l’intérieur de leur Soi, est un pas significatif vers la construction de nouveaux réseaux neuronaux dans leur cerveau, ce qui se traduit par une conscience de soi plus forte, plus solide et contenue. Le fait d’apprendre à ne pas se perdre dans un cycle de déconnexion, et de savoir au contraire qu’ils peuvent au besoin se relever et revenir, encore et encore, est une importante et significative nouvelle expérience qu’ils peuvent cultiver à l’intérieur des aspects relationnels du travail avec leur thérapeute.

    Il est important de trouver un soutien thérapeutique qui inclut certains entrainements de régulation de l’affect somatique et/ou de la conscience de leurs traumatismes chez les personnes souffrant de TSPT74. Ce travail peut également, doucement, modifier le poids des autoaccusations qui souvent s’insinuent chez les clients présentant un TPB. Ne voyant pas leurs problèmes ou leur faute comme les isolant, ce travail peut changer leur expérience chronique d’impuissance ou de victimisation en une d’accroissement du pouvoir sur soi.

    Résumé

    Cet article résume des définitions du TPB ou trouble de la personnalité borderline. Il décrit également certaines caractéristiques uniques des ressentis des personnes souffrant de ce trouble. Il compare les caractéristiques parfois complexes et co-existantes de certains autres troubles tels que le TPN ou trouble de la personnalité narcissique, le TB ou trouble bipolaire, le TSPT ou trouble de stress post-traumatique, et le TDAH ou trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, de manière à plus facilement différencier ces troubles. Cet article décrit les affects somatiques de honte chronique tels que le dégoût, l’abandon et le rejet, ainsi que la manière de les traiter en thérapie. Un modèle intégré de guérison du TPB y est également présenté. Ce modèle inclut une vaste gamme de concepts depuis des protocoles d’expériences somatiques jusqu’au développement de capacité de contenir qui devient acceptable et de régulation d’affect. Pour terminer, cet article se penche sur l’aspect complexe du contre-transfert, à l’aide de la propre conscience somatique du thérapeute et la manière de travailler avec cette conscience afin d’être plus efficace lorsque celui-ci travaille avec un client souffrant d’un TPB.

    Notes de bas de page

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    Biographie de l’auteure

    Ingrid Cryns a un cabinet privé à Toronto, Newmarket et Zephyr, Ontario. Elle est certifiée thérapeute bioénergéticienne depuis 2004. Elle a écrit de la poésie, publié des sur la psychothérapie ; elle poste régulièrement sur des blogs et dirige depuis plus de 15 ans une variété de conférences en ligne, de séminaires et d’ateliers.

    E-mail : ingrid@buildingsoul.ca

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